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ANALYSE CRITIQUE


side soit dans le refus de ce que l’enfant désire, soit dans l’application d’une certaine peine positive, est la seule à laquelle il soit d’abord sensible. La punition morale, qui consiste à froisser notre penchant à être honorés et aimés, par exemple à humilier le coupable par un accueil glacial, cette punition n’est applicable qu’à un certain âge ; mais, une fois cet âge venu, il faut l’appliquer exclusivement, ou du moins ne recourir à la punition physique que quand l’autre est absolument insuffisante. Car, lorsque les punitions physiques sont trop souvent répétées, elles font des caractères intraitables. En tous cas la punition ne doit jamais être infligée avec colère : sans quoi elle manque son effet. « En général, comme dit Kant 1[1], il faut s’appliquer à faire sentir aux enfants que les punitions qu’on leur inflige ont pour but leur amélioration. » S’il craint l’effet des punitions physiques, il ne redoute pas moins celui des récompenses : il n’est pas bon, selon lui, d’en distribuer aux enfants : cela les rend intéressés. On répète souvent qu’il faut tout leur présenter de telle sorte qu’ils le fassent par inclination : Kant reconnaît que cela est bon dans beaucoup de cas 2[2] ; mais il pense avec raison qu’il y a aussi beaucoup de choses qu’il faut leur prescrire comme des devoirs, et que c’est là le seul moyen de les préparer au rôle qu’ils auront plus tard à remplir en ce monde. Voilà ce qui rend si importante l’habitude de l’obéissance, non sans doute de cette obéissance passive qui ne fait que céder à la contrainte matérielle et qui est la marque des esclaves, mais de cette soumission volontaire au devoir qui est la vertu des hommes libres.

Un second trait auquel Kant veut qu’on s’attache surtout dans la formation du caractère de l’enfant, c’est la véracité. « C’est là en effet, dit-il 3[3], l’attribut essentiel du caractère. Un homme qui ment est sans caractère ; et, s’il y a en lui quelque chose de bon, c’est qu’il le tient de son tempérament. Bien des enfants, ajoute-t-il, ont un penchant pour le mensonge, qui n’a souvent d’autre cause qu’une certaine vivacité d’imagination. C’est aux pères à prendre garde qu’ils ne s’en fassent une habitude ; car les mères regardent ordinairement cela

  1. 1 P. 231.
  2. 2 P. 229.
  3. 3 P. 231.