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DE LA DOCTRINE DE LA VERTU.


où l’on gâte ainsi la leçon qu’en pourrait tirer le jugement moral. Je ne puis suivre Kant dans toutes les règles qu’il indique ici pour la culture de nos facultés intellectuelles 1[1] ; mais, puisque cette culture elle-même doit tendre et aboutir à la culture morale, je me hâte d’arriver à celle-ci.

La culture morale a directement pour but de fonder le caractère. « Le caractère consiste dans l’habitude d’agir d’après des maximes 2[2] » ou, ce qui en est la conséquence, « dans la fermeté de résolution avec laquelle on veut quelque chose et on le met réellement à exécution. Vir pro posai tenax 3[3]. » Si donc on veut former le caractère des enfants, il importe de les accoutumer à suivre un certain plan, et à s’imposer des règles fixes 4[4]. Sans doute dans les choses indifférentes on peut leur laisser le choix, mais encore faut-il qu’ils continuent d’observer ce dont ils se sont une fois fait une loi. « On blâme souvent, il est vrai, dit Kant 5[5], qui en écrivant ces lignes semble avoir songé à lui-même, on blâme souvent les gens qui agissent toujours d’après des règles, par exemple l’homme qui a toujours une heure et un temps fixé pour chaque action ; mais souvent aussi ce blâme est injuste, et cette régularité est une disposition favorable au caractère, quoiqu’elle semble une gêne. » Le caractère d’un enfant ne doit pas être d’ailleurs celui d’un homme. Voyons donc quels sont les traits principaux qu’il faut s’appliquer à former en lui, et les moyens à employer pour cela, et comment ces traits et ces moyens se modifient avec les années.

L’obéissance doit être le premier trait du caractère de l’enfant 6[6]. Elle ne peut avoir à l’origine d’autre principe que la contrainte : ce serait peine perdue que de vouloir parler de devoir à un enfant. Mais il faut qu’à mesure qu’il grandit, l’idée du devoir prenne peu à peu la place de la contrainte matérielle à laquelle on l’a d’abord assujetti. Autrement on ferait des caractères serviles. Toute désobéissance doit être punie 7[7] ; mais, comme il y a deux degrés dans l’obéissance, il y en a deux aussi dans la punition. La punition physique, qui ré-

  1. 1 P.220-225.
  2. 2 P. 228.
  3. 3 P. 236.
  4. 4 P. 228.
  5. 5 P. 229.
  6. 6 P. 229-231.
  7. 7 P. 230.