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DOCTRINE DE LA VERTU

La vertu, en tant qu’elle est fondée sur la liberté intérieure, contient donc aussi pour nous un ordre positif, celui de retenir sous notre puissance (sous l’autorité de la raison), toutes nos facultés et toutes nos inclinations, par conséquent l’ordre d’avoir l’empire de soi-même ; cet ordre s’ajoute à la défense de se laisser dominer par ses sentiments et ses inclinations (au devoir d’apathie) ; car, si la raison ne prend en mains les rênes du gouvernement, ces inclinations et ces sentiments deviennent bientôt les maîtres de l’homme.


XVII.


la vertu présuppose nécessairement l’apathie (considérée comme une force).


Ce mot est pris en mauvaise part, comme s’il signifiait l’insensibilité[1], par conséquent une indifférence subjective à l’égard des objets de la volonté ; on entend par là un défaut. On peut prévenir cette équivoque, en désignant sous le nom d’apathie morale ce genre d’apathie[2], qu’il faut bien distinguer de l’indifférence, et qui est très-nécessaire, car les sentiments qui résultent des impressions sensibles ne perdent leur influence sur le sentiment moral, qu’autant que le respect de la loi devient plus puissant qu’eux tous. — Ce n’est qu’une force apparente et fiévreuse, que celle qui pousse jusqu’à l’affection, ou plutôt y laisse dégénérer le vif intérêt que l’on prend au bien lui-même. Une affection de cette espèce s’appelle enthousiasme ;

  1. Fühllosigkeit.
  2. Affectlosigkeit.