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DEVOIRS ENVERS LES AUTRES HOMMES.


heureux quand les autres le sont, est dans le sens général du mot un philanthrope. Celui qui n’est content que quand tout va mal pour les autres, est un misanthrope[1] (dans le sens pratique). Celui qui est indifférent à tout ce qui peut arriver à autrui, pourvu que tout aille bien pour lui-même, est un égoïste (solipsista). — Mais celui qui fuit les hommes parce qu’il ne peut trouver aucun plaisir dans leur société, quoiqu’il leur veuille du bien à tous, celui-là est un anthropophobe[2] (un misanthrope dans le sens esthétique), et son éloignement pour les hommes mérite le nom d’anthropophobie.


§ 27.


La maxime de la bienveillance (la philanthropie pratique) est le devoir de chacun de nous à l’égard des autres, que nous les trouvions ou non dignes d’amour ; l’éthique nous l’impose au nom de cette loi de la perfection : Aime ton prochain comme toi-même. — En effet, tout rapport moralement pratique entre les hommes est un rapport conçu par la raison pure, c’est-à-dire un rapport d’actions libres se réglant sur des maximes qui ont le caractère d’une législation universelle, et qui, par conséquent, ne peuvent dériver de l’amour de soi (ex solipsismo prodeuntes). Je veux que chacun me témoigne de la bienveillance (benevolentiam) ; je dois donc être bienveillant à l’égard de chacun. Mais, comme sans moi tous les autres ne sont

  1. Menschenfeind.
  2. Menschenscheu.