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DOCTRINE DE LA VERTU


pas tous les hommes, et que, par conséquent, la maxime n’aurait pas le caractère universel d’une loi, sans laquelle pourtant il ne saurait y avoir d’obligation, la loi du devoir de la bienveillance me comprendra moi-même comme objet de cette bienveillance prescrite par la raison pratique. Cela ne veut pas dire que je sois obligé par là de m’aimer moi-même (car cela arrive inévitablement sans cela, et par conséquent il n’y a aucune obligation à cet égard) ; seulement la raison législative, qui, dans l’idée qu’elle se fait de l’humanité en général, renferme toute l’espèce (moi-même par conséquent), me comprend aussi, en tant qu’elle dicte des lois universelles, dans le devoir de la bienveillance réciproque, qui se fonde sur le principe de l’égalité existant entre tous les autres et moi. Elle me permet donc de me vouloir du bien à moi-même, mais à la condition d’en vouloir à tous les autres ; car c’est à cette seule condition que ma maxime (de la bienveillance) pourra revêtir la forme d’une loi universelle, ce qui est le caractère de toute loi du devoir.


§ 28.


La bienveillance, considérée dans la philanthropie générale, est la plus grande quant à l’étendue, mais la plus petite quant au degré ; et, lorsque je dis que je prends part au bien de tel ou tel homme uniquement en vertu de la philanthropie générale, l’intérêt que je prends ici est le plus petit qui puisse être. Tout ce que je puis dire, c’est que je ne suis pas indifférent à son égard.