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DOCTRINE DE LA VERTU
§ 31.


La bienfaisance, lorsque l’on est riche (que l’on trouve dans son superflu, ou dans ce qui n’est pas nécessaire à ses propres besoins, les moyens de faire le bonheur d’autrui), ne doit presque jamais être considérée par le bienfaiteur même comme un devoir méritoire, quoique par là il oblige les autres. La satisfaction qu’il se procure ainsi, et qui ne lui coûte aucun sacrifice, est une manière de s’enivrer de sentiments moraux. – Aussi doit-il éviter soigneusement d’avoir l’air de penser qu’il oblige les autres ; car autrement son bienfait n’en serait plus véritablement un, puisqu’il semblerait vouloir imposer une obligation à celui auquel il l’accorderait (ce qui ne manquerait pas d’humilier celui-ci à ses propres yeux). Il doit au contraire se montrer lui-même comme obligé ou comme honoré par l’acceptation de ses bienfaits, et par conséquent remplir ce devoir comme une dette contractée[1], si (ce qui vaut mieux encore) il ne trouve le moyen de pratiquer la bienfaisance tout à fait en secret. — Cette vertu est plus grande, lorsque les moyens d’être bienfaisant sont restreints, et que le bienfaiteur est assez fort pour se charger lui-même en silence des maux qu’il épargne aux autres : c’est alors qu’il mérite d’être considéré comme très-riche moralement.

  1. Als seine Schuldigkeit.