Aller au contenu

Page:Kant - Doctrine de la vertu.djvu/371

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
247
DE L’ÉDUCATION PRATIQUE.


lui-même ; mais les besoins anquels l’homme est nécessairement assujetti dans un état civilisé font qu’il ne peut pas encore élever ses enfants. Il pèche donc ici contre l’ordre civil. Le mieux que l’adolescent ait à faire, et cela même est un devoir pour lui, c’est d’attendre qu’il soit en état de se marier régulièrement. En agissant ainsi, il ne se montrera pas seulement homme de bien, mais encore bon citoyen.

Que l’adolescent apprenne de bonne heure à témoigner à l’autre sexe le respect qui lui est dû, à mériter de son côté l’estime de ce sexe par une louable activité, et à aspirer ainsi à l’honneur d’une heureuse union.

Une seconde différence que l’adolescent commence à faire vers le temps où il entre dans le monde, c’est celle qui résulte de la distinction des rangs et de l’inégalité des hommes. Tant qu’il reste enfant, il ne faut pas la lui faire remarquer. On ne doit pas même lui permettre de donner des ordres aux domestiques. S’il remarque que ses parents commandent aux domestiques, on peut toujours lui dire : Nous leur donnons du pain, et c’est pour cela qu’ils nous obéissent ; tu ne veux pas faire cela, eh bien ! nous n’avons pas besoin de t’obéir. Les enfants ne savent rien de cette différence, si les parents ne leur en donnent pas eux-mêmes l’idée. Il faut montrer à l’adolescent que l’inégalité des hommes est une disposition qui vient de ce que certains hommes ont cherché à se distinguer des autres par certains avantages. La conscience de l’égalité des hommes dans l’inégalité civile peut lui être peu à peu inculquée.

Il faut accoutumer le jeune homme à s’estimer absolument et non d’après les autres. L’estime d’autrui, dans tout ce qui ne constitue nullement la valeur de l’homme, est affaire de vanité. Il faut en outre lui enseigner à avoir de la conscience en toute chose, et à s’efforcer non-seulement de paraître, mais d’être. Habituez-le à veiller à ce que, dans aucune circonstance où il a une fois pris sa résolution, elle ne devienne une vaine résolution ; il vaudrait mieux n’en prendre aucune, et laisser la chose en suspens ; — enseignez-lui la modération à l’endroit des circonstances extérieures et la patience dans les travaux : sustine et abstine ; — enseignez-lui aussi la modération dans les plaisirs. Quand on ne désire pas seulement des plaisirs, mais qu’on sait aussi être patient dans le travail,