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xxiv
ANALYSE CRITIQUE


excite l’esprit ; la gourmandise, au contraire, n’occupe que les fonctions animales, et les jouissances qu’elle procure n’ont rien que de brutal.

Questions casuistiques.

« Ne saurait-on 1[1], sinon à titre de panégyriste du vin, du moins à titre d’apologiste, en permettre un usage voisin de l’ivresse, par cette raison qu’il anime la conversation entre les convives et pousse ainsi les cœurs à s’ouvrir ? — Ou peut-on lui accorder le mérite d’opérer ce qu’Horace vante dans Caton : Virtus ejus incaluit mero ? — Mais comment fixer une mesure à celui qui est sur le point de tomber dans un état où ses yeux ne seront plus capables de rien mesurer ?… » Les banquets, tout en nous invitant formellement à l’in tempérance dans les deux espèces de jouissance dont il s’agit ici, ont pourtant, outre l’agrément purement physique qu’ils procurent, quelque chose qui tend à une fin morale : ils re tiennent ensemble un certain nombre d’hommes et entre tiennent entre eux une longue communication. Toutefois, comme une grande réunion d’hommes (quand elle dépasse le nombre des muses, comme dit Chesterfield), ne permet guère de communiquer entre soi (sinon avec ses plus proches voisins), et que par conséquent les moyens vont ici contre la fin, il y a toujours là une excitation à l’immoralité, c’est-à-dire à l’intempérance et à l’oubli du devoir envers soi-même. Je ne parle pas des incommodités physiques qui pourraient résulter pour nous des excès de la table et dont les médecins pour raient peut-être nous guérir. Jusqu’où s’étend la faculté morale de céder à ces invitations à l’intempérance ? »


Les vices que nous venons de passer en revue sont contraires aux devoirs de l’homme envers lui-même, considéré comme être physique en même temps que moral ; il en est d’autres qui sont contraires aux devoirs de l’homme envers lui-même, considéré simplement comme être moral : ce sont le mensonge, l’avarice et la fausse humilité, Ici encore c’est sous le titre des vices que Kant traite des devoirs.

Du mensonge.

Le mensonge 2[2] est honteux : l’homme ne saurait manquer d’une manière plus grave à ce qu’il doit à sa nature morale,

  1. 1 P. 85.
  2. 2 § 9, p. 87.