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AVANT-PROPOS


comme la morale, vise à nous conduire à la sainteté. Ce qui appartient en propre à la religion, c’est l’espoir de la récompense, la croyance qu’à cette vie succédera une vie éternelle dans laquelle nous recevrons, conformément à nos mérites, le bonheur, objet de nos vœux. Aussi la Religion dans les limites de la raison répond-elle à cette question : « Qu’avons-nous le droit d’espérer ? », afin de mener à sa conclusion le système de la raison pure. Nous ne trouvons pas dans ce livre, comme on l’a souvent prétendu, qu’il soit introduit des concepts nouveaux, et nous y voyons, avec Kuno Fischer, l’approfondissement de la pensée kantienne et une délimitation précise entre la religion philosophique et la philosophie morale. L’homme est porté au bien par sa raison, au mal par ses inclinations sensibles : il est tout ensemble bon et mauvais. Comment devra-t-il donc s’y prendre pour devenir radicalement bon ? Qu’il accepte dans sa maxime l’intention morale pure et qu’il soit fermement décidé à s’y maintenir. Cependant la nature humaine, dont nous connaissons la fragilité, est impuissante à persévérer dans le bien : elle est portée, par son impureté, à mêler à la loi morale d’autres mobiles non moraux et, par sa corruption, à donner le pas à de tels mobiles sur ceux de la moralité. Ainsi non seulement l’homme ne peut pas être saint, mais il tombe encore dans le mal. Il ne peut donc, par suite, espérer le souverain bien qu’en admettant que Dieu pardonnera ses fautes, en considération des mérites qu’il s’est acquis, et suppléera à son imperfection, en donnant à son intention d’être absolument vertueux, la valeur que peut seul avoir le fait d’une bonne conduite. C’est seulement dans la mesure où nous ferons tout ce qui dépendra de nous pour devenir meilleurs que Dieu suppléera aux imperfections de notre conduite morale et viendra compléter notre œuvre[1]. Nous sommes ainsi amenés à

  1. La Religion dans les limites de la raison, p. 61.

Kant. — Religion. ii