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AVANT-PROPOS


regarder comme nécessaires la grâce, la satisfaction et la rédemption, sans cependant pouvoir faire de ces idées des connaissances susceptibles ni d’un usage théorique, ni d’une utilité pratique. « La vraie religion, en effet, n’est pas de connaître ou de professer ce que Dieu fait ou a fait pour notre sanctification, mais d’accomplir ce que nous devons faire pour nous en rendre dignes (1)[1]. » Or, nous savons cela, par la morale, avec une certitude absolue. — Toutefois la morale étant du ressort de la raison pure, ne peut être qu’œuvre individuelle : nul ne peut trouver qu’en lui-même les lois de la moralité. La religion, pour qui tous nos devoirs sont en même temps des ordres divins, nous oblige à nous regarder comme soumis à une loi commune, comme faisant partie d’une république morale, ayant Dieu pour législateur ; ce règne de Dieu a pour citoyens les justes dont la réunion constitue l’Église invisible qui fait partie du monde intelligible. Mais nous devons travailler de toutes nos forces à l’avènement du règne de Dieu et, dans ce but, entrer dans l’Église visible, schème de l’Église invisible, qui réunira tous les hommes désireux du souverain bien et n’épargnant rien pour s’en rendre dignes. Mettant en commun leurs aspirations et leurs espérances et s’exhortant mutuellement à bien vivre, ils pourront ainsi par l’Église vivifier leur intention morale et amener le triomphe du bon principe. Toutefois, il ne faudrait pas confondre l’Église et la Religion ; il n’y a qu’une religion et nous voyons plusieurs Églises qui cherchent à donner un support sensible aux concepts rationnels, moraux et religieux. L’Église est un moyen et la Religion est le but. L’Église vraie sera celle dont la doctrine ne fera qu’un avec la croyance pure, religieuse et morale, essence de la véritable religion.

Parvenus maintenant au terme du système, il nous est

  1. (1) Loc. cit., p. 159.