Page:Karamsin - Histoire de l'empire de Russie, Tome IX, 1825.djvu/123

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1566. guerre. Jean lui-même paraissait écouter avec attendrissement la voix du chef de l’Église retentir sous les voûtes de ce temple, abandonné depuis si long-temps au silence. On aurait dit que ces accens, jadis chers à son cœur, lui rappelaient des temps fortunés et lui faisaient goûter une douceur dont il avait perdu le souvenir. Pendant plusieurs mois, la paix et l’espérance régnèrent dans la capitale ; les plaintes contre les légionnaires se calmèrent. Le monstre sommeillait !… Le tzar flattait le métropolitain, et ce vertueux vieillard, comme s’il eût craint, d’oublier le désert de Solovky et l’austérité de ses premiers vœux, fit ériger dans Moscou une église en l’honneur de saint Sosime et saint Sabatius, vénérés dans cette île.

Ce calme, effet des remords ou de la dissimulation de Jean, était le précurseur d’un nouvel orage ; du fond de son antre d’Alexandrovsky, le tyran portait sur Moscou un regard féroce. Lui qui avait voulu étonner la Russie par l’élection d’un métropolitain auquel personne ne songeait, ne tarda pas à regarder Philippe comme un instrument des boyards, objets de sa haine. Il se persuada que l’idée d’exiger l’abolition de l’opritchnina (24) lui avait été suggérée par eux, et qu’ils excitaient le peuple