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que l’auteur avait lu et compris Obermann. C’est probablement le raffiné critique qui décida Aurore à faire une analyse de ce roman, peu apprécié depuis son apparition en 1804 et dont lui-même tâchait de faire connaître le mérite au public. George Sand publia à ce sujet un petit article[1] dans la Revue des Deux-Mondes, livraison du 15 mai 1833. L’article témoigne de la profonde sympathie du pessimiste qu’était alors George Sand pour Senancour et son héros si profondément triste, l’un des malheureux descendants de Hamlet, parent par l’esprit de Werther, de René, de Child Harold et… de Lélia. Mais l’article de George Sand est médiocre et trop phraseur[2] ; la pensée de l’auteur est rendue obscurément, en sorte que celui qui n’a pas lu Obermann ne peut pas se rendre facilement compte des traits de famille du héros, qui lui sont communs avec les autres grands malades de la maladie du siècle, ni des particularités individuelles, qui le distinguent par l’esprit de ses frères aînés ou cadets. C’était cependant là le but que George Sand s’était proposé.

Cora et Garnier, écrits aussi tous les deux en 1833, méritent bien de tomber dans l’oubli : ce sont des œuvres dues non à l’inspiration, mais à la nécessité où se trouvait l’auteur de gagner sa vie. Garnier paraît ennuyeux à double titre : d’abord parce que George Sand aspirait à s’y montrer gaie, quand elle avait la tristesse dans le cœur, et parce qu’elle voulait y faire preuve de cet « esprit » dont elle manquait, et si de Latouche a pu dire, en parlant d’une de ses

  1. Il fut réimprimé comme Préface à la 3e édit. d’Obermann et fait partie du volume Questions d’art et de littérature, des œuvres complètes de George Sand. Voir à ce sujet aussi les notes dans les Portraits contemporains de Sainte-Beuve éd. de 1855).
  2. Nous sommes d’accord en ceci avec Eug. Delacroix (voir son Journal intime, t. I, p. 207).