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toire de ses relations antérieures avec la grande femme et de leur amitié présente. Nous nous permettons de citer ici la lettre presque in extenso, sans aucun commentaire :


« Frapesles[1], 2 mars 1838.


« Cara Contessina,

« J’ai appris que George Sand était à sa terre de Nohant, à quelques pas de Frapesles, et je suis allé lui faire une visite : aussi aurez-vous vos deux autographes souhaités, et, aujourd’hui, je vous envoie du George Sand ; à ma première lettre, vous en aurez un autre, signé Aurore Dudevant. Ainsi, vous aurez l’animal curieux sous ses deux faces. Mais il en est un troisième, c’est son surnom d’amitié, le docteur Piffoël. Quand il m’adviendra, je vous l’enverrai. Comme vous êtes une éminentissime curieuse, ou une curieuse éminentissime, je vais vous raconter ma visite.

« J’ai abordé le château de Nohant le samedi gras, vers sept heures et demie du soir, et j’ai trouvé le camarade George Sand dans sa robe de chambre, fumant un cigare après le dîner, au coin de son feu, dans une immense chambre solitaire. Elle avait de jolies pantoufles jaunes, ornées d’effilés, des bas coquets et un pantalon rouge. Voilà pour le moral. Au physique, elle avait doublé son menton comme un chanoine. Elle n’a pas un seul cheveu blanc malgré ses effroyables malheurs ; son teint bistré n’a pas varié ; ses beaux yeux sont tout aussi éclatants ; elle a l’air tout aussi bête quand elle pense, car, comme je lui ai dit après l’avoir étudiée, toute sa physionomie est dans l’œil.

  1. C’était la propriété de ses amis, M. et Mme Carraud. On sait que Mme Zulma Carraud fut une amie intime et une correspondante fidèle de Balzac.