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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/404

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baptême de l’Éclaireur de l’Indre. C’était le comité du salut public. On parlait à tour de rôle. Planet a demandé plus de deux cents fois la parole. Il a fait plus de cinq cents motions. Fleury s’est mis en fureur, rouge comme un coq, plus de dix fois. Duteil était calme comme le Destin. Jules Néraud très ergoteur. Enfin nous avons fini par nous entendre et tous comptes faits, recettes et dépenses, chaque patriote taxé au tarif de sa dose d’enthousiasme, le comité de salut public a décrété la création de l’Éclaireur, dont seront bien décrétés MM. Rochoux et Compagnie, qui n’ont guère été acrétés à ce matin en recevant la Revue indépendante[1].

Au milieu de tout cela, comme c’est moi qui fais toutes les écritures, programmes, professions de foi et circulaires, je n’ai pas pu travailler et je voudrais bien que tu fisses assavoir à maître Pernet ou François (décidément lequel est parti) que je ne leur donnerai probablement pas de Comtesse de Rudolstadt pour le 10 décembre. C’est un peu leur faute. Il était convenu avec M. François que, vu la longue tartine dédiée à Rochoux, on garderait la moitié de ce numéro de la Comtesse pour la prochaine fois. Enfin ils se passeront bien de moi pour un numéro, je ne peux pas faire l’impossible ; mais il faut les prévenir, afin qu’ils se précautionnent. Dis-leur aussi que nous ferons imprimer notre journal à Orléans. C’est meilleur marché et nous y avons un correcteur d’épreuves tout trouvé et très zélé, Alfred Laisné. Il faut seulement, mais plus que jamais, que Pernet ou François, François ou Pernet, nous trouve un rédacteur en chef à deux mille francs d’appointements. Ce n’est guère plus que les gages du domestique de Chopin et dire que pour cela on peut trouver un homme de talent ! Première mesure du comité de salut public : nous mettrons M. de Chopin hors la loi s’il se permet d’avoir des laquais salariés comme des publicistes. Je suis toute gaie d’aller te revoir, mon enfant chéri, malgré le beau temps que je quitte, et les émotions de la politique berrichonne, qui m’ont coûté jusqu’ici plus de cigarettes que de dépense d’esprit. Nous avons taxé l’enthousiasme de Chip-Chip à 50 francs. Celui de Bouli à 50 centimes. Il faudra payer, bon gré, mal gré. On enverra un abonnement en Russie à Mme Viardot[2]. Je pars toujours après-demain[3], et comme cette lettre ne partira que demain soir, je n’aurai plus à t’écrire ; j’arriverai le même jour que ma lettre…

  1. Ces derniers mots confirment que la lettre de Mme Sand à son fils n’a pas dû être écrite plus tard que le 27 au soir, car la Revue indépendante du 25 novembre arriva à la Châtre le 27 novembre au matin.
  2. Nous soulignons le passage tronqué dans la Correspondance. Bouli fut le sobriquet de Maurice. Mme Viardot chanta pendant deux hivers successifs de 1843-44 et 1844-45 à l’Opéra de Saint-Pétersbourg et elle y eut un succès dont le souvenir subsiste jusqu’à nos jours.
  3. C’est-à-dire le 29 novembre. Dans la lettre précédente, elle écrit : « À