Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/409

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Tous ces articles — à l’exception des deux derniers naturellement — sont des écrits politiques ou plutôt sociaux et présentent le plus grand intérêt, ils prouvent combien il est injuste de croire qu’en 1848 George Sand s’engoua « subitement » de la politique, et se mit « soudain » à écrire les bulletins de la république et autres articles politiques, puis, après les journées de juin, abandonna tout aussi soudainement ses coreligionnaires politiques et « s’enfuit avec effroi ». Le fait est (nous l’avons déjà dit dans le chapitre iv de notre premier volume) que George Sand fut toujours non un politique, mais un socialiste, elle ne voyait dans la lutte et la victoire des républicains de toutes les nuances que l’unique moyen de faire avancer le triomphe de son idéal démocratique et chrétien. Lorsqu’elle vit les intérêts de partis l’emporter chez les politiciens sur ceux du peuple, elle s’éloigna de ceux qu’elle croyait ses coreligionnaires et qui se trouvaient en désaccord avec ses idées.

Le premier article (la Lettre aux fondateurs) est comme la démarcation formelle entre les rédacteurs de l’Éclaireur et Mme Sand.

Quant au second article sur la situation des boulangers en France sous Louis-Philippe, il a gardé tout son intérêt de nos jours. Disons plus, tout dernièrement encore, un jeune auteur publia en Russie une œuvre d’imagination contenant des faits absolument analogues, il y fit entrer, pour plus d’effet, un épisode romanesque, fort brutal et fort cynique, — l’exposition de l’horrible état social de la classe ouvrière n’y gagne rien. C’est pour cela que nous préférons au récit trop prôné de Gorki, la modeste Lettre d’un ouvrier boulanger, écrite avec une simplicité si tragique, avec une véracité de détails et de ton si poignante que l’on ne peut pas croire que la main qui tint la plume pour décrire cet enfer, plus atroce que celui du Dante, fut la petite main délicate de l’ex-baronne Dudevant, et non la main décharnée de l’apprenti boulanger, exténué par la chaleur fétide et la malpropreté immonde d’une cave de boulangerie. Ces lignes brûlent et crient : celui qui les a lues une fois pourra difficilement les oublier jamais. On ne veut y glo-