Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/100

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côtés vers l’Hôtel de Ville. Il s’en fallut de peu qu’une sanglante guerre civile n’éclatât, mais le peuple comprit le malentendu et les deux ondes populaires, s’étant mêlées en une seule, quittèrent la place et s’en allèrent aux cris de Vive la République ! après que le gouvernement provisoire au grand complet eut tranquillisé le peuple alarmé.

On sait que les choses ne se passèrent point tout à fait ainsi. Et d’abord George Sand ne fut pas un simple spectateur, et ce « malentendu » populaire, l’égoïsme de la secte et de la caste ne la surprirent pas. Elle avait eu une part dans la préparation de l’événement. Puis, — et c’est là l’important, — elle avait très bien vu et compris que la journée du 16 avril signifiait quelque chose de lien pire pour l’avenir de la République qu’un malentendu. Daniel Stem dit dans son Histoire de la Révolution de 1848 :

Par malheur, l’entourage du ministre de l’Intérieur était possédé d’ambitions plus impatientes ; on y rêvait pour lui la dictature, on voulait avec lui et par lui gouverner révolutionnairement la France. Ce rêve de quelques hommes passionnés prenait chaque jour plus de consistance par l’intervention très directe et très efficace de M. Caussidière. Peu à peu, il se transformait en projet ; du projet au complot, il n’y avait pas loin pour des hommes habitués aux pratiques des sociétés secrètes. Sans y tremper d’une manière active, M. Ledru-Rollin prêtait une oreille quelquefois distraite, mais souvent complaisante aux discours des conspirateurs ; tout en agissant contre eux… en pressant la rentrée des troupes, il ne les dissuadait pas de leur entreprise et laissait faire leur zèle.

… Mme Sand était l’un des agents les plus animés de la conspiration, moins dans l’intérêt de Ledru-Rollin que dans celui de M. Louis Blanc. Elle y avait amené Barbes et travaillait dans ce sens l’esprit des ouvriers qu’elle réunissait tous les soirs dans un petit logement voisin du Luxembourg, où elle était descendue. Vers la fin de la soirée, elle allait rejoindre au ministère de l’Intérieur le petit cercle des invités, parmi lesquels on comptait habituellement MM. Jules Favre, Landrin, Portalis, Carteret, Étienne Arago, Barbes, etc. Là, soit en présence de M. Ledru-Rollin, soit en son absence, on discutait les moyens de remettre entre ses mains le sort de la République. Ces moyens, depuis le succès de la manifestation du 17 mars, paraissaient très simples. Provoquer, sous un prétexte quelconque, une réunion générale de