Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/107

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voulaient forcer Marrast, Garnier-Pagès, Camot, Bethmont, enfin tous les juste-milieu de la République, à se retirer du gouvernement provisoire. Ils auraient gardé Lamartine et Arago, qui sont mixtes et qui, préférant le pouvoir aux opinions (qu’ils n’ont pas), se seraient joints à eux et au peuple. Cette conspiration était bien fondée. Les autres nous ramènent à toutes les institutions de la monarchie, au règne des banquiers, à la misère extrême et à l’abandon du pauvre, au luxe effréné des riches, enfin à ce système qui fait dépendre l’ouvrier, comme un esclave, du travail que le maître lui mesure, lui chicane et lui retire à son gré. Cette conspiration eût donc pu sauver la République, proclamer à l’instant la diminution des impôts du pauvre, prendre des mesures qui, sans ruiner les fortunes honnêtes, eussent tiré la France de la crise financière ; changer la forme de la loi électorale, qui est mauvaise et donnera des élections de clocher ; enfin, faire tout le bien possible, dans ce moment, ramener le peuple à la République, dont le bourgeois a réussi déjà à le dégoûter dans toutes les provinces, et nous procurer une Assemblée nationale qu’on n’aurait pas été forcé de violenter. »

Ce passage de sa lettre à son fils n’est pas seulement fort intéressant à confronter avec la page du Journal précitée, mais il est encore plein de signification, parce qu’il est évident que cette première conspiration « bien fondée », jouissait de toutes les sympathies de l’auteur de la lettre et lui semblait parfaitement légitime et désirable. Quant aux dernières lignes du paragraphe, soulignées par nous, elles confirment encore une autre indication de Daniel Stern[1].

  1. On lit aux pages 7 et 8 du tome III de l’Histoire de la Révolution de 1848 : … Nous avons vu aussi que les principaux chefs révolutionnaires s’étaient étonnés et alarmés sans mesure du tour que prenaient les élections. Lorsqu’ils entrevirent le résultat du suffrage universel, ils s’excitèrent l’un l’autre à n’en tenir aucun compte et se répandirent à l’avance contre l’Assemblée nationale en menaces insensées. Malheureusement, quelques hommes d’un esprit supérieur et qui auraient dû se montrer plus sages, encouragèrent ou tolérèrent ces tendances dangereuses et laissèrent se former autour d’eux des foyers d’une opposition préconçue qui touchait à la sédition. … Dès le 16 avril au soir, M. Louis Blanc et ses adhérents décidaient, dans une réunion au Luxembourg, qu’il fallait incessamment réparer l’échec de la journée en reprenant l’offensive. À la vérité, on ne s’était entendu ni sur l’occasion, ni sur le mode d’une nouvelle intervention du prolétariat, mais on s’était quitté en se payant de l’assurance que si l’Assemblée ne se montrait pas docile aux volontés du peuple, on ferait bonne et prompte justice de ces mandataires infidèles. À quelques jours de là, MM. Pierre Leroux et Cabet proposaient de leur côté au gouvernement provisoire de s’adjoindre