Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/115

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de cette Assemblée, le 5 mai, George Sand adressait dans le journal de Thoré une Lettre au citoyen Lamennais, dans laquelle elle protestait avec une perspicacité presque prophétique contre son projet de constitution et surtout contre le paragraphe qui confiait le pouvoir exécutif à un président élu pour trois ans :

L’autorité d’un seul serait contraire aux sentiments et aux idées des masses populaires et serait le signal d’une guerre civile… le président serait forcé de devenir dictateur, et tout dictateur serait forcé de marcher dans le sang !…

Mme Sand revient encore à la thèse de son quatrième article de la Cause du Peuple : l’idéal serait la volonté du peuple par l’unanimité et, en pratique, c’est la majorité qui en approche le plus ; mais il est des heures terribles dans la vie des peuples où la majorité chancelle et vacille, il serait sage alors de faire attention à la minorité, Mme Sand tâche de défendre aux yeux de Lamennais les utopistes qu’il traite trop sévèrement selon elle, tandis qu’à son dire ce ne sont que des « somnambules » qu’il est dangereux de réveiller trop brusquement à la réalité.

Quant à la minorité, elle deviendra d’autant plus redoutable qu’elle sera plus fractionnée et plus impuissante en apparence, elle jettera la confusion dans l’ordre de la marche, elle excitera toutes les passions, elle forcera la majorité à être agressive, violente et impitoyable.

Il est fort édifiant et plus que curieux de confronter ces mots avec ce que M. de Tocqueville avait entendu de la bouche de Mme Sand.

Nous avons promis dans la première partie de notre ouvrage (vol. Ier, page 402) de citer à sa place la page 204 des Souvenirs d’Alexis de Tocqueville, racontant la conversation qu’il eut avec Mme Sand à un dîner ou déjeuner chez M. Monkton-Milnes, plus tard lord Houghton, où se trouvaient en outre Mignet, Mérimée, Considérant et deux dames.

Nous y avons dit aussi que, tandis que chez Tocqueville, l’époque de ce dîner se trouvait être indiquée d’une manière assez indécise, — entre la fête de la Concorde du 21 mai et les journées de Juin, — ce dîner devait, en réalité, avoir eu lieu le 6 mai