Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/119

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autres ouvriers devait posséder cette « effrayante lucidité » dans les journées qui séparaient le 16 avril du 15 mai.

Le lendemain de cette conversation avec M, de Tocqueville, le 7 mai 1848, parut dans le journal de Thoré une Revue politique de la semaine, par Mme Sand, écrit remarquable et remarquablement écrit ; Mme Sand y précise encore une fois, avec une netteté parfaite, sa position à l’égard des partis politiques du moment et à l’égard de leurs tendances. Elle y professe des sympathies pour les prétendus « communistes », c’est-à-dire les républicains socialistes qui rêvent des réformes sociales et, en même temps, elle trace une ligne nette et ferme qui la sépare de toute fraction ou coterie de communistes ou socialistes militants.

Les deux événements qui, à part l’ouverture de l’Assemblée nationale, ont ému, durant cette semaine, l’âme généreuse du peuple de Paris, dit-elle, ce sont les événements de Rouen et ceux de Limoges. À Rouen, un prétendu complot communiste que le parti bourgeois a noyé dans le sang ; à Limoges, un prétendu complot communiste que le peuple des travailleurs étouffe dans un embrassement fraternel de toutes les classes, de tous les citoyens, de toutes les opinions.

En exprimant l’espoir que l’Assemblée nationale se prononcera ouvertement contre les répressions à outrance et les persécutions, George Sand revient encore une fois aux vraies aspirations qui animaient les soi-disant communistes, c’est-à-dire les partisans d’une république vraiment sociale, et aux prétendues doctrines exterminatrices qui leur étaient attribuées par la bourgeoisie, sous le titre sommaire de « communisme ».

… Le peuple a compris aujourd’hui ce que c’est que le véritable communisme ; il sait que M. Cabet n’est pas l’inventeur de cette doctrine, car elle est aussi ancienne que le monde. Il sait que le roman intitulé Icarie n’est point le code du communisme, parce que le véritable code c’est l’Évangile quant au passé et au présent, c’est l’Évangile introduit dans la vie réelle sous le nom de République quant au présent et à l’avenir. Le peuple sait aussi que le communisme immédiat, dont on s’est tant effrayé et qui n’existe peut-être que dans l’imagination troublée de quelques hommes, est la négation même du communisme, puisqu’il voudrait procéder par la violence et par la destruction du principe évangélique et communiste de la fraternité.