Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/121

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boîte de papier peint, pour savoir quelle forme de gouvernement va être improvisée, à la plus grande satisfaction des plus petites idées de trente-cinq millions de Français… », de définir quelle est la religion actuelle de la France, quel est son dogme et quel culte serait à ce moment l’expression de cette religion et de ce dogme[1]. Mme Sand croit pouvoir conclure qu’il n’y a plus en France de religion dans le sens qu’on donnait autrefois à ce mot. Le christianisme, tel que l’entend le clergé, ne satisfait plus, selon elle, aucun homme pensant ; le peuple croit encore, mais ce n’est plus aux dogmes st aux miracles d’autrefois… il me garde que le sens général de la doctrine chrétienne. Et l’auteur de ces trois articles formule le petit catéchisme suivant :

Mais où est le Dieu ? Il n’est plus enfermé dans un calice d’or ou d’argent ; son esprit plane librement dans le vaste univers et toute âme républicaine est son sanctuaire, Comment s’appelle la religion ?… Elle s’appelle République. Quelle est sa formule ?… Liberté, Égalité, Fraternité. Quelle est sa doctrine ? L’Évangile, dégagé des surcharges et des ratures du moyen âge ; l’Évangile, librement compris et interprété par le bon sens du peuple. Quels sont ses prêtres ? Nous les sommes tous. Quels sont ses saints et ses martyrs ?… Jésus et tous ceux qui, avant et après lui, depuis Je commencement du monde jusqu’à nos jours, ont souffert et péri pour la vérité.

  1. Ces trois articles sont réimprimés dans le volume des Souvenirs de 1848, sous le titre général de Question de demain ; lors de leur première apparition, ce titre manquait et kes articles portaient simplement les titres de la Religion de la France, le Dogme de la France, le Culte de la France, qui leur servent à présent de sous-titres. M. Monin observe avec raison que, lors de la réimpression du premier article, on en a retranché tout un passage, à la page 100 du volume des Souvenirs de 1848, qui, du reste, n’ajoutait rien à la gloire de l’écrivain. C’est un essai peu réussi de faire de l’esprit à propos du « manque d’actualité de la question de l’existence de Dieu » (allusion à la réponse célèbre de Buloz à Pierre Leroux). Seulement M. Morin a tort de croire que ce fut la seule fois que George Sand ait essayé de l’ironie ; son article les Rues de Paris est plein d’ironie et de sarcasmes, nous ne dirons pas fort réussis, à l’adresse des bourgeois horripilés et poltrons, et l’article le Père Communisme, dont nous parlons plus loin, est écrit dans le but de s’égayer aux dépens de la grand’peur de cette bourgeoisie et aux dépens des calomnies répandues sur le compte de la romancière elle-même ; mis il faut convenir que Henri Heine avait trois fois raison en décrétant que George Sand « manquait d’esprit » : il perce, sous son ironie, ce que les compatriotes de Heine appellent le galgenhumor (ironie du gibet), le rire à travers les larmes, Le désir de faire bonne mine à mauvais jeu.