Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en étiez privé. Et moi qui vous disais : « Trois mois de liberté et de soleil vous guériront »

On m’a dit que j’étais complice de quelque chose, je ne sais pas quoi, par exemple. Je n’ai eu ni l’honneur ni le mérite de faire quelque chose pour la cause, pas même une folie ou une imprudence, comme on dit ; je ne savais rien, je ne comprenais rien à ce qui se passait ; j’étais là comme curieux, étonné et inquiet, et il n’était pas encore défendu, de par les lois de la République, de faire partie d’un groupe de badauds. Les nouvelles les plus contradictoires traversaient la foule. On a été jusqu’à nous dire que vous aviez été tué. Heureusement cela a été démenti au bout d’un instant par une autre version. Mais quelle triste et pénible journée !

Le lendemain était lugubre ! Toute cette population armée, furieuse ou consternée, le peuple provoqué, incertain, et à chaque instant des légions qui passaient criant à la fois : Vive Barbès ! et À bas Barbès ! Il y avait encore de la crainte chez les vainqueurs. Sont-ils plus calmes aujourd’hui après tout ce développement de terrorisme ? J’en doute.

Viennent les lignes qui se rapportent à elle-même et que nous avons citées plus haut[1], puis elle continue :

… Mais c’est bien assez vous parler de moi. Je n’ose pas vous parler de vous : vous comprenez pourquoi. Mais si vous pouvez lire des journaux, et si la Vraie République du 9 juin vous est arrivée, vous aurez vu que je vous écrivais en quelque sorte avant d’avoir reçu votre lettre. Ne faites attention dans cet article qu’au dernier paragraphe. Le reste est pour cet être à toutes facettes qu’on appelle le public, la fin était pour vous…

Ce « dernier paragraphe » où George Sand tâchait de prouver combien il était injuste d’accuser Barbes d’une action criminelle, alors qu’il avait voulu prévenir une rencontre sanglante entre le peuple et le gouvernement était rédigé ainsi :

… Mais parmi les hommes d’exception qui donnent tout sans vouloir jamais rien recevoir, l’homme dont je parle est un des plus purs, des plus grands, des plus fanatiques, si ce mot peut s’appliquer au dévouement et au renoncement. Cet homme est né pour le sacrifice,

  1. V. plus haut, p. 111.