Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/141

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seulement un honnête homme, mais aussi une femme courageuse, une âme sans peur.

À partir de cette époque, et jusqu’à la mort de Barbes, fût-il en prison ou en exil, Mme Sand entretint avec lui une correspondance suivie.

Elle le considérait comme un homme d’un autre monde, « le Bayard de la révolution », et le traitait avec un respect sans bornes et un tendre dévouement.

À peine deux jours après le second article sur Louis Blanc, éclatèrent les horribles journées de Juin : frappée d’horreur et de dégoût, George Sand se tut, dans la presse du moins. Quant à ses lettres innombrables, écrites cet été, publiées ou inédites, elles sont pleines d’amertume désespérées. Elle assure ses correspondants de sa foi en l’avenir du peuple et au triomphe fina Ide la liberté, — ne fût-ce que dans un avenir bien éloigné, — mais un désespoir profond se laisse quand même deviner à travers ses paroles. Son ami Rollinat s’efforçait, comme toujours, de soutenir son courage, de ranimer son énergie, il lui conseillait d’abandonner momentanément la politique, de revenir à la poésie et justement à ce genre de littérature qui avait toujours été une consolation aux époques de cataclysmes politiques ou de déchéance morale, aux bergeries. Ses conversations et ses disputes avec Rollinat, George Sand les a transcrites dans la charmante Préface à la Petite Fadette, écrite en septembre 1848, et annoncée sous le titre de : Pourquoi nous sommes revenus à nos moutons, dans le Spectateur Républicain. Le roman parut dans le Crédit, le 1er décembre. Nous avons deux fois déjà parlé de cette Préface :

Et tout en parlant de la République que nous rêvons et de celle que nous subissons — écrit George Sand — nous étions arrivés à l’endroit du chemin ombragé où le serpolet invite au repos.

— Te souviens-tu, dit-il, que nous passions ici il y a un an et que nous nous y sommes arrêtés tout un soir ? Car c’est ici que tu me racontas l’histoire du Champi et que je te conseillai de l’écrire dans le Style familier dont tu t’étais servi avec moi.

— Et que j’imitais de la manière de notre chanvreur ? Je m’en souviens, et il me semble que depuis ce jour-là nous avons vécu dix ans.