Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/155

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Après le coup d’État, Millier dut fuir en Angleterre comme tant d’autres. Il retrouva à Londres ses anciens amis parisiens : Louis Blanc, Étienne Arago, Herzen. Celui-ci venait de perdre son fils et sa femme. On sait que Mme Nathalie Herzen mourut à la suite de cruelles épreuves psychologiques qui lui échurent en partage dans les dernières années de son existence, le dernier coup fut porté par la mort de son fils survenue dans un naufrage. Une passion que la malheureuse femme éprouva entraînant une séparation entre elle et son mari, le bruit que les amis de Herzen soulevèrent à propos de ce triste événement, le repentir, l’effroi en découvrant l’indignité de son ami, les racontars, les querelles et le retour sous le toit conjugal, tout cela avait miné le frêle organisme de la pauvre femme ; elle succomba prématurément en mettant au monde un enfant qui, lui aussi, ne vécut pas. Après sa mort, Herzen quitta le Midi et vint à Londres. Il y rencontra d’anciens amis au courant de ses douleurs conjugales ; il revécut en souvenir toutes ses émotions cruelles. C’est justement à ce moment qu’il revit Millier tout plein encore de ses souvenirs de Nohant, ne tarissant pas dans ses éloges sur George Sand, son grand cœur, son profond esprit, son don de pénétrer les recoins les plus cachés de l’âme humaine. Les autres émigrés politiques — Mazzini, Louis Blanc, Arago, Ledru-Rollin, prononçaient aussi constamment le nom de George Sand, en parlant des épisodes les plus émouvants de 1848.

Herzen éprouva soudain le désir de s’adresser à George Sand comme à un suprême arbitre des choses humaines, afin qu’elle jugeât la tragédie qui venait de dévaster sa vie. Il écrivit une lettre à Müller en le priant de la communiquer à George Sand, c’est ce que ce dernier fit immédiatement, accompagnant la lettre de Herzen de quelques lignes de sa main. Voici ces deux lettres :

18 octobre 1852.
London. Spring-Gardens, 4.
Cher Müller.

Lorsque je t’ai rencontré à Londres, sans m’y attendre le moins du monde, et lorsque deux jours après je te parlais des terribles malheurs