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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/170

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dans l’histoire, un être complexe et plein de contradictions, mais encore, si l’on fait la part des vices et des défauts de son entourage et de ses propres faiblesses ou inconséquences, il nous apparaît vraiment comme un rêveur incompris et désillusionné, succombant sous le poids des circonstances par lui créées, comme un utopiste naïf et inconscient. Dans son esprit, dans sa nature, il y avait des traits sympathiques attrayants pour la romanesque optimiste et la parfaite et incorrigible idéaliste que George Sand n’avait cessé d’être. Et c’est justement cet idéalisme qui captivait celui qu’on avait avec raison surnommé le « rêveur éveillé ». M. de Pontmartin assurait même qu’il y avait dans ces deux natures des traits de parenté[1]. L’assertion nous semble exagérée, mais nous comprenons assez ce qui l’avait causée. Il y avait dans ces deux natures une certaine analogie de rêverie utopiste ou d’utopie rêveuse et nébuleuse.

Il semble que George Sand et Napoléon firent connaissance plus de dix ans avant la chute de la monarchie de Juillet, dans le salon de la comtesse Merlin, cette intéressante créole aux Souvenirs de laquelle George Sand avait, dès 1836, consacré un article très sympathique[2]. Ce salon était très fréquenté par les écrivains, les diplomates, les artistes. Il était surtout plein de mécontents, de frondeurs conspirant ou déclamant contre la poire[3]. Le jeune prince Louis-Napoléon Bonaparte alla bientôt expier au fort de Ham la part active qu’il prit à une conspiration contre cette même « poire ». On sait qu’il y resta six ans, jusqu’au jour où il s’échappa déguisé en « Badinguet ». Le prince consacra ses loisirs forcés à des lectures sérieuses, aux études sociales, et écrivit quelques brochures politico-historiques. Les Idées napoléoniennes parurent en 1839. En 1844 son étude Sur l’extinction du paupérisme fit beaucoup de bruit en France.

Louis Blanc qui venait de fonder la Réforme et de faire la connaissance de George Sand, consacra dans son Histoire de

  1. A. de Pontmartin, Nouveaux samedis. Paris, 1877, 16e série, 11 novembre 1877.
  2. Paru d’abord dans la Revue de Paris de 1836. Réimprimé dans le volume des Questions d’art et de littérature.
  3. Sobriquet de Louis-Philippe.