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dix ans quelques pages au jeune prince, qu’il alla visiter dans sa prison, car la personne et les idées de cet héritier du souverain des peuples, rêvant à détruire le paupérisme ne pouvaient manquer d’intéresser celui qui proclamait « l’organisation du travail ». George Sand, qui prônait alors les idées de Louis Blanc dans ses articles et que passionnaient les grandes utopies sociales promettant le bonheur « à la classe la plus nombreuse et la plus pauvre », lut avec d’autant plus d’intérêt ces pages sur le prince prisonnier, et les fit réimprimer par son journal berrichon l’Éclaireur de l’Indre[1]. Et puis cet intéressant prisonnier venait de lui envoyer sa brochure par l’intermédiaire d’un ami commun, Frédéric Degeorges[2]. Celui-ci transmit les remerciements de George Sand au prince, mais un accusé de réception indirect ne suffisait probablement pas à l’amour-propre de l’auteur, car voici ce qu’il écrivit à M. Degeorges le 24 novembre 1844 :


Mon cher monsieur Degeorges,

Je vous prie d’exprimer à Mme George Sand combien je suis touché de ce qu’elle vous dit d’aimable sur moi ; je suis fier de mériter son approbation. Jugez d’après le plaisir que me fait éprouver un souvenir combien une lettre d’elle me serait précieuse ; combien je serais heureux de la voir. Tâchez pendant votre séjour à Paris d’obtenir par des députés l’autorisation de venir à Ham, et si Mme George Sand daignait vous accompagner, ce serait pour moi, véritable excommunié, un jour de fête. Je ne recherche pas des éloges, je veux les mériter ; on me fera toujours plaisir en me donnant des conseils, vous devriez bien m’envoyer la lettre de Mme G. Sand.

Je suis fâché de vous avoir écrit la lettre que vous avez dû recevoir dernièrement, mais je suis loin d’être parfait et j’ai souvent des mouvements d’humeur contre les hommes, contre l’injustice du sort.

Le plaisir des malheureux est de se plaindre. J’ai écrit à M. Abb. [3] à Orléans pour l’engager à venir me voir d’après ce que vous m’aviez dit, mais il parait qu’il a fait la sourde oreille. Je vous remercie non comme Bonaparte, mais comme citoyen, de la fusion que vous voulez opérer, car là seulement est le salut. Nous sommes tous enfants de

  1. Lettre de George Sand à Louis Blanc de novembre 1844. Correspondance, t. II, p. 324-27.
  2. George Sand, sa vie et ses œuvres, vol. II, p. 184.
  3. Abbatucci.