Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/179

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Il est difficile de décider aujourd’hui si les amis de George Sand, à l’influence hostile desquels Napoléon faisait allusion, avaient vraiment raison de se défier de lui, ou si c’est elle qui avait raison de prendre pour de l’or pur ses protestations d’amour pour le peuple et ses rêves de bonheur « pour la majorité ». D’un côté le coup d’État et le « régime napoléonien » qui en fut la suite semblent être une négation catégorique de la sincérité des doctrines philantropiques et populaires du prisonnier de Ham. De l’autre, si l’on jugeait la sincérité, les bonnes intentions de tous les héritiers présomptifs d’après les événements et les tendances ultérieures de leurs règnes, il faudrait alors nier, presque sans exception, toute tendance idéale, toute bonne aspiration chez les hommes qui appartiennent à l’histoire. Ce serait pourtant commettre une erreur de jugement historique que de juger le commencement du règne de Catherine II ou d’Alexandre Ier surtout leurs vraies aspirations, d’après les événements et les favoris de la dernière heure. Il serait tout aussi injuste de soupçonner la sincérité des doctrines tant soit peu utopiques, mais vraiment humanitaires et démocratiques de l’auteur de l’Extinction du paupérisme, en tirant des « attendu que » des actes de MM. de Persigny, de Morny, Rouher et compagnie. Les amis républicains de George Sand commirent cette injustice-là. George Sand, dès le début, disait la vérité sans ambages à son correspondant titré, elle critiquait ses théories, mais elle ne soupçonna point sa franchise, et crut qu’il partageait les convictions de ses amis républicains, c’est-à-dire le bonheur des masses, la promulgation du principe oublié de la grande Révolution : la volonté du peuple exprimée par le suffrage universel.

Nous avons vu que George Sand se détacha des hommes de 1848 lorsqu’elle s’aperçut que la forme l’emportait chez eux sur le fond, l’amour du régime parlementaire sur l’amour du peuple, et que les soucis des intérêts de parti ou même de ceux d’un petit groupe prévalaient sur le vrai souci du bien, du bonheur et des droits des masses populaires. En politique elle poursuivait avant toute chose ce qu’elle considérait comme le vrai régime démocratique : le droit de chaque citoyen de dire son opinion, de