Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/180

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choisir ses représentants — c’est-à-dire ce même suffrage universel que nous venons de nommer.

Et voici que le jour où les citoyens français, pour la première fois, firent usage de ce droit — il se trouva que la vox populi prononça le nom de celui avec qui George Sand discutait amicalement tant, qu’il était le prisonnier de Louis-Philippe, et qui apparaissait à la grande masse du peuple français comme un sauveur au milieu de la guerre des partis qui déchiraient la France. Les amis républicains de George Sand en furent exaspérés. Elle leur répondit par les lignes suivantes dans un article intitulé Sur le général Cavaignac, paru dans la Réforme du 22 août 1848. Nous avons reconnu que cet article était le même que celui qui fut imprimé en une plaquette intitulée le Peuple et le président et ensuite sous le titre de À propos de l’élection de Louis-Napoléon à la président de la République dans le volume des Questions politiques et sociales.

Qu’est-ce que prouve cette énorme majorité de suffrages en faveur de celui de tous les partis qui représente le moins la République ? Au premier abord, la réponse semble devoir être celle-ci : la majorité des Français n’est pas républicaine ; et sans aucun doute le parti de la réaction va se prévaloir de cette considération. Eh bien, la réaction se trompera quant au fond de la question : le peuple est républicain quand même ; et il ne sera pas si facile qu’on le pense de lui enlever sa souveraineté. Le peuple n’est pas politique, voilà ce qu’il faut reconnaître, et ce dont il ne faut point s’étonner…

Le peuple tend au socialisme, dont le point de départ est le sentiment de son droit et de ses besoins. Il y a longtemps que nous sommes d’accord sur le point que le socialisme ne peut se passer de la politique et que la politique ne peut se passer du socialisme. Penser autrement, c’est vouloir séparer le corps et l’âme, la volonté et l’action. Pour avoir été politique et non socialiste, la République modérée est arrivée à mécontenter le peuple. Pour être socialiste et non politique, le peuple arrive à compromettre par un choix imprudent le principe même de sa souveraineté. Mais un peu de patience. Dans peu de temps, le peuple sera socialiste et politique, et il faudra bien que la République soit à son tour l’un et l’autre. Je m’inquiète peu du personnel des gouvernements, ou du moins je m’en inquiète beaucoup moins que du grand symptôme de l’opinion populaire. Les hommes montent au pouvoir et tombent aussitôt… Ce sont là des vicissitudes secondaires dans l’his-