Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/199

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rempli son engagement en adressant à M. Berger les instructions concernant nos malheureux compatriotes.

J’ai la douleur de vous annoncer que M. le préfet engagé dans une voie funeste par les suggestions de quelques renégats, au nombre desquels on compte, m’a-t-on dit, M. Delauche-Péjuge ancien fondateur de l’Éclaireur, a cru devoir résister aux prescriptions qui lui ont été transmises et a fait parvenir au ministre de l’Intérieur un rapport rédigé, assure-t-on, dans des termes qui sont de nature à aggraver la position de nos amis, déjà tristes victimes d’un zèle mal entendu et outré.

M. le préfet, dont j’ai cru le cœur sympathique aux inspirations du mien et dont j’honorais les bienveillantes tendances, m’a fait éprouver le plus vif chagrin, en me disant : « M. Fleury s’est échappé, n’en parlons plus ; M. Périgois n’est qu’une canaille ; M. Aucante n’a que de sales antécédents ; etc., etc. C’est sans doute par suite de votre entrevue avec M. Cavet que j’ai reçu une lettre de lui », etc., etc.

La présence de M. Moreau, conseiller de préfecture, et d’une autre personne à moi inconnue, gênait mon franc-parler et je n’ai pu que dire :

— Monsieur le préfet, il n’y a de sales antécédents chez aucun de mes compatriotes en prévention et j’ignore complètement à quoi vous voulez en venir.

— Assez, assez, monsieur le maire, a-t-il répondu, je sais mon monde et je sais à quoi m’en tenir, je connais maintenant la place.

— Mais monsieur…

— Assez, vous dis-je, il n’y a rien à espérer de ces gens-là et vous ne m’en conterez point.

Désespéré et après avoir essuyé quelques lazzi à propos de notre église monumentale qui ne serait point élevée si nous avons eu le bonheur de posséder plus tôt M. Berger, j’ai dû prendre congé et je me suis retiré froid et silencieux.

Je ne crois point l’âme de il. Berger fermée aux émotions de la sensibilité ; je le crois honnête homme et il m’est pénible de le voir ne point résister aux influences d’hommes passionnés qui abusent de sa crédulité.

Il y a toujours de la noblesse à pardonner aux coupables, quand il y en a ; mais à Châteauroux cette noblesse est inconnue et on se plait à salir même l’innocence.

Dieu inspirera le cœur de M. le président, comme il inspire le vôtre, et vos nouvelles, je puis dire, pieuses solicitations, mettront à néant les efforts d’une coterie indigne d’avoir accès auprès du premier magistrat de la république.

Toujours prêt à vous seconder dans les actes de bonté et de justice