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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/243

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de renouveler les plus mauvais jours de l’empire romain et les scènes lugubres et contemporaines de la Galicie. Au besoin, il lancera les paysans contre les prolétaires. Mais il ne sortira rien de cette jacquerie napoléonienne. Tout son socialisme se résumera ainsi. Distribuer le donativum aux légionnaires et le congiarium à la lie des faubourgs. Est-ce là, madame, la société nouvelle que votre intelligence rêve et que votre cœur appelle de ses vœux ? Je vous en supplie, madame, n’ayez pas foi dans ce Messie. N’ayez pas de culte pour cette Providence aventurière. Vous vous souilleriez dans l’idolâtrie.

Pardonnez-moi les longueurs de cette lettre. Faites-moi rester à Bruxelles. Continuez-moi plus que jamais aide et protection. Arrachez l’amnistie à la politique. Tâchez de faire rentrer les proscrits. Ne faites pas de mal à cet homme, mais gardez-vous d’en penser du bien.

À vous de cœur.

Marc Dufraisse.
Rue Saint-Lazare, n° 35, près la porte de Cologne.

George Sand traça de sa bonne grosse écritm-e, à l’encre bleue, au bas de cette lettre : « Non, mon cher ami, je suis plus loyale que vous. — G. S. » Et le lecteur qui n’a pas le temps d’oublier, comme M. Dufraisse sembla l’avoir fait, l’histoire de son élargissement par ce même « homme » que Mme Sand devait « ne pas croire chevaleresque… » après l’avoir vu libérer ce même M. Dufraisse, dès qu’elle le lui eut déclaré comme son ennemi personnel, le lecteur, croyons-nous, trouvera ample matière à réflexion dans cette longue missive si classiquement rouge, et dans cette brève sentence bleue.

Voici maintenant une lettre collective que les détenus de Châteauroux, avant de se disperser, écrivirent à Mme Sand lorsqu’ils apprirent ses démarches pour eux ; il existait — on le voit — des gens capables de condamner George Sand pour cette activité pleine d’abnégation et de sacrifiée. Cette lettre fut envoyée à Nohant au moment où Mme Sand séjournait encore à Paris ; on a écrit (c’est M. Aulard) sur l’enveloppe : « A conserver pour remettre à Mme Sand à son retour. » Émile Aucante lui annonçait déjà dans sa lettre du 15 février, datée de la prison, que tous ses co-détenus voulaient lui écrire use lettre « pour rendre hommage à son courage et à son dévouement », et Ernest