Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/270

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eut, à ce moment tragique, à secourir la pauvre Sylvanie et lui donner du courage. Puis, pour la détourner de son désespoir et de ses réflexions amères et pour ne plus lui permettre de se ronger le cœur et l’esprit, elle sut lui faire prendre goût aux sciences naturelles, la poussa à lire sérieusement, lui fit, en un mot, oublier sa personnalité, chose que George Sand avait toujours et sans relâche prêchée dans ses romans et dans la vie réelle[1].

Il y eut plus tard un moment où cette longue amitié sembla se refroidir et s’éclipser, ce fut lorsque Mme Arnould devint assez subitement une catholique pratiquante, entièrement soumise à ses directeurs de conscience, surtout au père Hyacinthe Loyson, non encore séparé de l’Église. Mme Sand et Mme Arnould échangèrent alors des lettres fort curieuses, et il faut avouer que dans ces lettres c’est à Mme Arnould qu’appartient le plus beau rôle. Mme Sand, qui était à ce moment particulièrement excitée contre le clergé — à cause de l’influence alors croissante en France du cléricalisme, — et qui avait par contre beaucoup de sympathie pour le protestantisme, traite dans ses lettres avec une grande véhémence et en des termes désagréablement âpres cette évolution dans la vie de son amie. Mme Arnould-Plessy lui répond avec grande douceur et respect que, quelles que fus-

  1. Sylvanie Arnould-Plessy, foudroyée par la trahison et la brutale grossièreté de son amant infidèle, sauvée du désespoir par l’illustre femme qui la poussa à étudier les sciences naturelles, à oublier son pauvre petit moi au milieu de la grande Nature — dans l’une de ses lettres pleines d’une gratitude enthousiaste, parlait en ces termes du roman de Valvèdre, où George Sand avait, avec le plus de netteté, dit sa pensée sur le travail qui nous sauve et la science qui nous ennoblit et nous élève : « …Je vais vous remercier plus particulièrement encore de Valvèdre que de tout le reste. « Ce livre est pour moi moral et poétique au dernier point. J’en admire tous les sentiments, toutes les idées et votre héros (le Travail) me paraît aussi le Dieu qu’il faut apprendre à aimer dès l’enfance et le grand générateur de toutes les vertus. « Cette vérité, qui devrait être banale, est ignorée de presque toutes les femmes, et vous la rendez si saisissable, vous employez pour convaincre des paroles si douces que la lecture de ce livre doit faire du bien. « Moi, je vous félicite, je vous remercie, je vous fais mon plus beau compliment, parce que j’ai été attendrie et parce qu’après la lecture, à la réflexion, le charme n’a fait que croître. « Adieu, grande maman du public ! « Et que Dieu vous garde et vous bénisse. »