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a le piton ou il a manqué son piton. Qui aurait cru que les acteurs de l’Odéon se souvenaient ainsi des petits sujets de bois de Maurice Sand ! Lui, entre temps, faisait avec ces derniers de vrais miracles. Grâce à son talent de peintre et sa science de la perspective, il brossa pour son théâtre de beaux décors très variés, soigna ses éclairages et, à force d’adresse et de combinaisons spirituelles, il poussa à la perfection tous les effets dits « scéniques », tous les trucs : éclairs, tonnerre, levers de soleil et de lune, jets d’eau, cascades, etc., etc. ; il arrivait à donner une illusion scénique complète. Et toujours, toujours il inventait pour les représentations de ses pupazzi quelque nouveau scénario captivant. Tous ceux qui assistèrent à ces représentations, à commencer par Mme Sand elle-même, disent que l’impression produite par ce théâtre de marionnettes était vraiment surprenante, merveilleuse, impossible à décrire. Éclairées d’une manière fantastique, groupées par Maurice avec une adresse incroyable et se mouvant le plus naturellement du monde, ces poupées paraissaient animées. Leurs yeux (figurés par des clous ronds enfoncés dans leurs têtes en bois), brillaient et semblaient voir, la voix de Maurice imitait tous les timbres, tous les accents, tous les tics des personnages, et les spectateurs pleuraient ou riaient aux larmes, comme à un vrai spectacle. « Personne ne sait ce que je dois aux marionnettes de mon fils, » écrivit plus tard George Sand, et elle n’exagéra point. Les marionnettes la sauvèrent du désespoir et de l’apathie morale, puis donnèrent une nouvelle impulsion et une nouvelle direction à son activité littéraire.

À côté des marionnettes la fin de 1848 et le commencement de 1849 virent ressusciter à Nohant les spectacles improvisés. Et non seulement ils ressuscitèrent, mais ils prirent encore un essor tout nouveau, un éclat inattendu. Chaque jour comptait quelque progrès : au lieu du « paravent tendu de papier bleu[1] », qui servit primitivement de décor et de rideau, Maurice et Lambert brossèrent de vrais décors, puis il y eut une rampe, des herses ; les costumes improvisés furent peu à peu remplacés par

  1. V. la préface du Château des Désertes.