Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/33

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ne fallait pas déshonorer la coupable, vu qu’elle est assez punie en perdant sa place ») :

Borie est sens dessus dessous à l’idée qu’on va faire une révolution dans Paris. Mais il n’y voit pas de prétexte raisonnable dans l’affaire des Banquets. C’est une intrigue entre ministres qui tombent et ministres qui veulent monter. Si l’on fait du bruit autour de leur table, il n’en résultera que des horions, des assassinats commis par les mouchards sur des badauds inoffensifs et je ne crois pas que le peuple prenne parti pour la querelle de M. Thiers contre M. Guizot. Thiers vaut mieux, à coup sûr, mais il ne donnera pas plus de pain aux pauvres que les autres. Ainsi, je t’engage à ne pas aller flâner par là, car on peut y être écharpé sans profit pour la bonne cause. S’il fallait que tu te sacrifies pour la Patrie, je ne t’arrêterais pas, tu le sais. Mais se faire assommer pour Odilon Barrot et compagnie, ce serait trop bête. Écris-moi ce que tu auras vu de loin, et ne te fourre pas dans la bagarre si bagarre il y a, ce que je ne crois pourtant pas[1].

Donc, au premier moment, Mme Sand fut surtout inquiet pour son fils, effrayée à l’idée de le voir « fourré dans quelque bagarre ». C’est pour cela qu’elle lui écrivit de revenir au plus vite à Nohant.

Mais, ne le voyant pas revenir, elle alla elle-même le chercher à Paris.

Alors ce que George Sand vit, ou plutôt ce qu’elle crut voir à Paris, la transporta d’un tel enthousiasme, qu’elle se crut obligée de rester dans la fournaise et de vouer toutes ses forces au triomphe définitif de la République.

Elle imagina que l’heure de la liberté était arrivée, que le peuple était prêt, que tout le peuple s’était levé en toute conscience, qu’il comprenait ses droits politiques, ses devoirs sociaux et deviendrait maître de ses destinées ; que la révolution accomplie serait la base inébranlable sur laquelle s’élèverait rapi-

  1. Les lignes qui, dans la Correspondance, suivent celles-ci, se rapportant à Bakounine et aux événements d’Italie, appartiennent à la lettre inédite du 7 février. Nous les donnerons plus loin lorsque nous parlerons des relations entre George Sand et le célèbre anarchiste. Dans la lettre autographe du 18 février nous lisons, immédiatement après les mots « pourtant pas », l’annonce d’une lettre reçue de Mme Marliani et quelques mots sur sa curiosité excessive. Nous les avons cités dans le chapitre vi du volume III.