précis de tout ce qu’il a lu ; c’est pour cela que ces petits chapitres nous intéressent. C’est l’Histoire de ma vie en germe :
Je fus mise en sevrage à Chaillot, pendant que ma mère partit pour l’Italie[1]. Clotilde et moi demeurâmes là chez une bonne femme jusqu’à deux ou trois ans.
On nous apportait le dimanche à Paris sur un âne, chacune dans un panier avec les choux et les carottes qu’on vendait à la halle.
Ma grand’mère me prit et fit de moi une demoiselle. J’arrivais d’Espagne. J’avais la fièvre, la gale et des poux. On m’apprit à lire, on me décrassa. Je devins gentille, un peu colère pourtant.
Je jouais à colin-maillard, à traîne ballet, à la main-chaude, voire à l’oie. J’avais un précepteur.
Le chapitre V manque.
Il est évident qu’Aurore Dudevant saute sa vie de couvent, ce qu’elle n’évita pas lorsqu’elle parla de sa vie plus tard. Mais en 1827 il est probable qu’elle ne voulait pas parler à la légère de ses impressions pieuses. Donc, immédiatement après le chapitre IV, vient le chapitre VI.
Quand j’eus seize ans, on s’aperçut comme j’arrivais du couvent que j’étais une jolie fille.
J’étais fraîche quoique brune. Je ressemblais à ces fleurs de buisson, un peu sauvages, sans art, sans culture, mais de couleurs vives et agréables. J’avais une profusion de cheveux presque noirs qui sont devenus depuis presque blonds. En me regardant dans une glace, je puis dire pourtant que je ne me suis jamais fait grand plaisir. Je suis noire, mes traits sont taillés et non pas finis. On dit que c’est l’expression de ma figure qui la rend intéressante. Et je le crois car en me regardant de sang-froid, comme je me regarde toujours, je n’ai jamais pu comprendre comment on a fait attention à moi. Mes yeux, qu’on a vantés souvent, me semblent froids et bêtes. D’où je conclus qu’il faut
- ↑ Cf. avec ce qui a été dit à la page 93 de notre premier volume, surtout la note à cette page.