Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/41

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Mme Sand resta à Nohant du 7 au 20-21 mars et sa belle assurance et son optimisme y furent singulièrement ébranlés.

Ce séjour à la campagne la persuada que la province en général, et la ville de La Châtre ainsi que les bourgs de Nohant et de Vie en particulier, étaient très arriérés et d’une humeur fort peu républicaine. Mme Sand ne s’effraya pas d’abord, elle crut qu’il ne fallait que réchauffer, animer, révolutionner un brin cette province, qu’agir par des mesures tant soit peu artificielles, alors elle se mettrait vite au niveau du magnifique peuple de Paris et tout marcherait à souhait.

Avant même d’avoir pris connaissance sur place de l’humeur des provinciaux, George Sand avait, dès les premiers jours de la République, commencé à « agir ». Elle avait recommandé au gouvernement provisoire des agents sûrs de la République et fait un peu éloigner les personnes suspectes ou qui ne s’étaient ralliées qu’au dernier moment. C’est dans ce sens qu’elle écrivait le 6 mars dans la lettre à Girerd déjà citée en partie :

… Ce n’est pas moi qui ai fait faire ta nomination : mais c’est moi qui l’ai confirmée ; car le ministre m’a rendue en quelque sorte responsable de la conduite de mes amis, et il m’a donné plein pouvoir pour les encourager, les stimuler et les rassurer contre toute intrigue de la part de leurs ennemis, contre toute faiblesse de la part du gouvernement. Agis donc avec vigueur, mon cher frère. Dans une situation comme celle où nous sommes, il ne faut pas seulement du dévouement et de la loyauté, il faut du fanatisme au besoin. Il faut s’élever au-dessus de soi-même, abjurer toute faiblesse, briser ses propres affections si elles contrarient la marche d’un pouvoir élu par le peuple et réellement, foncièrement révolutionnaire. Ne t’apitoie pas sur le sort de Michel[1] : Michel est riche, il est ce qu’il a souhaité, ce qu’il a choisi d’être. Il nous a trahis, abandonnés, dans les mauvais jours. À présent, son orgueil, son esprit de domination se réveillent. Il faudra qu’il donne à la République des gages certains de son dévouement s’il veut qu’elle lui donne sa confiance. La députation est un honneur qu’il peut briguer et que son talent lui assure peut-être. C’est là qu’il montrera ce qu’il est, ce qu’il pense aujourd’hui. Il le montrera à la

  1. Michel de Bourges. V. les chapitres x et xi du tome II de cet ouvrage.