Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/444

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néanmoins sincèrement qu’elle était arrivée elle-même à des idées très libres en ces matières :

Il n’y a pas, je crois, d’âme plus généreuse et plus pure que la vôtre, et elle ne serait pas sauvée ! Ce dogme catholique vous tue et, si je vous dis qu’il faut en sortir, vous n’aurez peut-être plus ni amitié pour moi, ni confiance. Pourtant c’est ma conviction, le dogme de l’enfer est une monstruosité, une imposture, une barbarie. Dieu, qui nous a tracé la loi du progrès et qui nous y pousse malgré nous, nous défend aujourd’hui de croire à la damnation éternelle ; c’est une impiété que de douter de sa miséricorde infinie et de croire qu’il ne pardonne pas toujours, même aux plus grands coupables.

Je vous croyais autrefois heureuse par la foi catholique et les croyances douces et tranquilles dans les belles âmes me paraissent si sacrées, que je vous disais : « Allez à tel prêtre ou à tel philosophe chrétien, ou à tel ami qui vous semblera propre à vous rendre l’ancienne sérénité où vos nobles sentiments ont pris naissance et force. » Mais voilà que le doute est entré en vous, et que la voix du prêtre vous jette dans une sorte de vertige. Quittez le prêtre et allez à Dieu qui vous appelle et qui juge apparemment que votre âme est assez éclairée pour ne pouvoir plus supporter un intermédiaire, sujet à erreur.

Ou, si l’habitude, la convenance, le besoin des formules consacrées vous Ment à la pratique du culte, portez-y donc cet esprit de confiance, de liberté et de véritable foi, qui est en vous… Dieu ne veut pas que l’on doute de soi-même, car c’est douter de lui[1].

Elle lui écrivait encore :

… Allez à Dieu sans intermédiaire et sans prêtre : ou si la confession vous paraît un devoir, remplissez-le naïvement et sans examen. Confessez-vous de votre mieux et même des fautes involontaires ; de cette façon, rien ne manquera à votre sincérité de cœur, et le confesseur vous grondât-il plus que de raison, soyez sûre que Dieu appréciera avec plus de clarté et d’indulgence.

Je vous avoue que pour mon compte, j’en suis venue à regarder le prêtre comme l’agent du mal en ce monde, mais je ne discute pas les convictions de doctrine chez des personnes de votre mérite. Ce que je blâme avec tout le respect qui vous est dû, c’est que vous restiez dans l’impasse du doute, sans faire d’effort suprême pour en sortir. Acceptez complètement l’Église si vous vous y croyez obligée ; ne discutez rien et vous retrouverez la paix[2]

  1. Cette lettre est imprimée dans le vol. IV de la Correspondance à la fausse date du 5 juin 1858.
  2. Lettre inédite du 16 janvier 1863.