Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/452

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mari. On voit par la lettre suivante que George Sand refusa d’avance, et nettement, la « grâce » dont elle était menacée. Elle écrivit à ce propos de Tamaris :

Chère cousine,

Vous êtes bonne comme un ange de vous occuper de moi si gracieusement et de vous tourmenter de cette affaire qui me tourmente si peu. Lucien a dû vous dire pour combien de raisons très vraies et très logiques j’aurais désiré qu’il ne fût pas question de moi. Je n’ai pas voulu désavouer les amis qui m’avaient portée, d’autant plus que j’avais et que j’ai encore la certitude qu’ils doivent échouer.

J’ai trop fait la guerre aux hypocrites pour que le monde officiellement religieux me le pardonne. Et je ne souhaite pas être pardonnée. J’aime bien mieux qu’on me repousse vers l’enfer, où ils mettent tous les honnêtes gens.

Mais à propos de cette affaire de l’Académie, il en est une autre dont je veux vous parler, Buloz, qui n’a pas toujours un style très clair, m’écrit que quelqu’un est venu le trouver pour lui dire de me sonder pour savoir si j’accepterais de l’empereur un dédommagement, offert d’une façon honorable et équivalant au prix de l’Académie, dans le cas où il ne me serait pas accordé.

J’ai répondu que je ne désirais absolument rien, mais j’ai bien chargé Buloz de présenter mon refus sous forme de remerciement très sincère et très reconnaissant ; or, comme une commission de cette nature, quelque explicite et franche qu’elle soit, peut, en passant par plusieurs bouches, être dénaturée, je vous demande de voir le prince, qui est net et vrai, lui, et de lui dire ceci : « Je ne mets aucune sotte fierté, aucun esprit de parti, aucune nuance d’ingratitude, à refuser un bienfait de l’empereur. Si j’étais malade, infirme et dans la misère, je lui demanderais peut-être pour moi ce que j’ai plusieurs fois demandé à l’impératrice et aux ministres pour les malheureux. Mais je me porte bien, je travaille, et je n’ai pas de besoins. Il ne me paraît pas honnête d’accepter une générosité à laquelle de plus à plaindre ont des droits réels. Si l’Académie me décerne le prix, je l’accepterai, non sans chagrin, mais pour ne pas me poser en fier-à-bras littéraire et pour laisser donner une consécration extérieure à la moralité de mes ouvrages prétendus immoraux. De cette façon, les généreuses intentions de l’empereur à mon égard seront remplies. Si, comme j’en suis bien sûre, je suis éliminée, je ne me regarderai pas comme frustrée d’une somme d’argent que je n’ai pas désirée et dont je suis toute dédommagée par l’intérêt que l’empereur veut bien me porter. » Voilà !

À présent j’ai tout dit cela mi cas que… car j’ignore si Buloz a bien