Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/453

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compris ce qu’on lui a dit et s’il est vrai que l’empereur se serait ému de cette petite affaire. Buloz m’a dit que la princesse Mathilde se chargeait de tout, sans plus d’explications. Si la princesse Mathilde est seule en cause, le prince le saura et lui dira tout ce que dessus, comme disent éloquemment les notaires. S’il me le conseille, j’écrirai à cette excellente princesse pour la remercier et à l’empereur, s’il y a lieu. Ajoutez, pour le prince, que je l’aime de toute mon âme, que j’irai demain visiter son bateau, dans la rade de Toulon…

En 1863 courut le bruit, vrai ou faux, qu’on se proposait d’élire George Sand à l’Académie. Vers la même époque parut une brochure intitulée : les Femmes à l’Académie. L’auteur, qui se cachait sous la simple initiale S, y décrivait une prétendue séance de l’Académie, se passant, en l’an de grâce ***, où une certaine Mme X…, unanimement élue membre de la vénérable compagnie, échangeait avec l’académicien Y… d’élégants discours de réception obligatoires. Puis, l’auteur anonyme disait qu’il était bien temps d’abolir la loi Chapelain vieillie, prohibant l’admission des femmes à l’Académie, il prouvait combien l’Académie gagnerait à leur admission, car elles contribueraient à adoucir les opinions et y apporteraient un certain esprit de mansuétude. Il prétendait qu’on avait eu tort en n’élisant pas Mmes de Staël et de Girardin, brillants astres littéraires, au lieu d’élire des ducs, souvent fort peu versés en littérature.

Mme Sand répondit immédiatement à cette brochure par une brochure, très remarquable par ses idées, son ton général et même son titre : Pourquoi les femmes à l’Académie ?

L’Académie, — y disait Mme Sand, — est une institution purement littéraire, appelée à être l’arbitre de l’art et du bon goût. Ceci n’était possible que lorsque les assises de la loi, de la politique, de la philosophie et de la morale étaient immuables. À présent la lutte des opinions et le doute ont envahi même ce sanctuaire. Désormais il est impossible aux académiciens de juger une œuvre du point de vue purement littéraire. Ils jugent selon leurs opinions religieuses, politiques, etc., etc. En ce moment-ci leur critérium est conservateur. Mais les temps peuvent changer. De nos jours la profession de foi académique rappelle le contrat qu’un certain éditeur[1] aurait voulu faire

  1. Il est facile de deviner que l’auteur entendait sous cet éditeur son ami Buloz.