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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/544

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au golfe Juan, à l’abbaye de Mont-Rieux où l’on déjeuna sur l’herbe.

… La troupe se compose d’Edmond Adam, de Maurice Sand, du capitaine Talma[1], d’Edmond Plaucbut, de Planet, de Mme Sand, de Topaze et de moi.

Mme Sand a toute sa verve. Elle constate que notre union est complète, que nous pouvons devenir le noyau d’une abbaye de Thélème, et cette abbaye, elle la construit en imagination semblable à celle de Mont-Rieux. On discute sur les heures du lever, du coucher, sur ce que chacun fera et à quoi il est propre. On me confiera le ménage, le bien manger.

« Et le bien boire », ajoute Maurice sensible au bon vin français.

Planet, Plauchut, le capitaine Talma approuvent. Ma fille, qui fait merveilleusement le « pifferaro », distraira la société par ses danses et arrangera les fleurs, art dans lequel elle excelle. Maurice installera les marionnettes et fera une collection de papillons, que nous vendrons très cher aux Anglais. Adam lira les journaux pour tenir l’abbaye au courant des choses du dehors et fera oua ! oua ! pour nous garder des intrus qu’il n’aime guère. Plauchut voyagera pour nous rapporter des épices rares, pour nous gagner de l’argent par ses trafics, mais il ne fera plus naufrage ! ajoute Adam[2].

Le capitaine fournira le poisson. Planet s’occupera de vêtir la communauté à la condition qu’il ne nous habille pas couleur tabac, sa couleur favorite, et qu’il n’oblige aucun des membres masculins de l’ordre à porter des pantalons à petit ponts et des cravates mirifiques. Mme Sand « propre à tout », dit-elle, ne fera plus d’écritures mais beaucoup d’essais pour transformer les plantes sauvages en plantes potagères.

Comment l’abbaye de Thélème s’évanouit-elle en fumée et comment à la fin du déjeuner s’était-elle transformée en une roulotte avec laquelle nous visitions la France tout entière et donnions des représentations de pièces inédites portant tour à tour les noms des auteurs : George Sand, Maurice Sand et Juliette Lamber ? L’explique qui pourra !

On parle de gaieté et Mme Sand déclare qu’il est lu-gent de créer des cours de gaieté pour les générations nouvelles, que les jeunes, comme Planet, se portent mal parce qu’ils ne sont pas assez gais.

  1. Mme Sand avait fait sa connaissance lors de son séjour à Tamaris. C’était le fils du célèbre artiste.
  2. Adam s’était moqué de Plauchut à propos de son naufrage aux îles du Cap-Vert, dont nous avons parlé dans le premier chapitre de notre premier volume, et l’appelait par dérision « le naufragé des salons ».