Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/59

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en tête d’un nouveau chef-d’œuvre, cette préface aurait pour titre Comme quoi je suis revenue à mes moutons[1]. Heureuse au moins, vous qui ne les tondez pas, de vivre avec ces douces bêtes. Nous autres, nous vivons au milieu des loups de l’état de siège. Qui l’eût dit ?

J’ai reçu bien des nouvelles d’Emmanuel, à qui j’avais écrit en lui envoyant les articles de son ami Vevey. Le bel indifférent consent à se défendre contre une pétition qui va être lue à la tribune et qui arrive de Lyon[2]. C’est son père sans doute qui lira la justification. L’accusation tombera, puisqu’on accuse le proconsul d’avoir mis dans sa poche cinq cent mille francs. L’ambassadeur pourrait faire bonne mine à Berlin avec cette somme, mais il se contente de dépenser du talent[3], Bastide m’a dit hier que ses dépêches étaient excellentes.

Écrivez-moi, vous qui n’êtes pas occupée comme je le suis.

Mille amitiés profondes.

Étienne Arago.

Le contenu de ces deux lettres non seulement réfute brillamment les calomnies répandues par Jules Favre et par d’autres pêcheurs en eau trouble, sur le prétendu argent reçu par Mme Sand, mais nous laisse conclure que la célèbre femme paraît avoir voulu sacrifier quelques mille francs pour cette édition des Bulletins et nous montre encore combien M. Monin avait raison de dire : « Elle ne demanda ni ne reçut d’argent pour sa peine : elle devait être abondamment payée en outrages. »

Nous avons anticipé sur les faits et devons revenir au moment où George Sand ne faisait que commencer à aider le gouvernement provisoire de sa plume et s’apprêtait gaiement à agir dans les trois directions désignées, qui toutes devaient aboutir à un seul but : la gloire et la durée de la République. Elle écrit à son fils le 23 mars : (La lettre est datée du 24 dans la Correspondance.)

Me voilà déjà occupée comme un homme d’État. J’ai fait deux circulaires gouvernementales aujourd’hui, une pour le ministère de l’Ins-

  1. Ces mots se rapportent, il est évident, à la préface de la Petite Fadette, qui avait commencé à paraître le 1er décembre 1848 dans le Crédit. V. notre vol. III, p. 638.
  2. À ce moment de réaction croissante, il y eut des déclarations et des poursuites contre tous les acteurs des premiers mois de la République, entre autres contre Emmanuel Arago, envoyé en mars à Lyon, en qualité de commissaire du gouvernement provisoire.
  3. Emmanuel Arago était alors ambassadeur à Berlin.