Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/602

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l’Homme de neige, le Marquis de Villemer, la Confession d’une jeune fille, l’Autre, drame tiré de ce dernier roman, Ma sœur Jeanne, Flamarande, les Deux Frères et la Tour de Percemont.

Souvent cette histoire d’un enfant sauvé, ou retrouvant heureusement la maison paternelle, s’embarrasse de tant de combinaisons et d’accidents invraisemblables, qu’il est tout à fait impossible de les raconter ou même de les retenir. Parfois même ces complications nuisent à l’intérêt psychologique du roman.

Dans la Filleule un lecteur de goût aurait pu se contenter de ce thème : l’âme inquiète d’une jeune fille qui devient femme, et, par besoin instinctif d’aimer et impossibilité d’analyser ses aspirations, s’amourache de son tuteur et parrain. Et, comme ceci arrive souvent à de jeunes personnes de cet âge, tantôt elle s’imagine le détester et tantôt elle en est jalouse, son humeur devient fantasque et l’emporte dans des rêves irréalisables, mais, en fait, elle commet des enfantillages stupides, une série d’actes dépourvus de sens commun. Ces pages fines, véridiques, intéressantes au possible auraient infiniment gagné si, les retranchant de ce roman d’intrigue, George Sand les avait prises pour thème d’un nouveau roman, roman de mœurs réaliste, peignant l’éveil d’une âme féminine. Cela aurait été très attachant et très vrai.

Mais cette étude psychologique est noyée dans un chaos d’accidents invraisemblables, de vertus plus invraisemblables encore, de grands d’Espagne, de gitanos, d’enlèvements d’enfants, d’apparitions d’un personnage sous des noms divers et autres inventions du plus mauvais goût littéraire, ou plutôt du goût… du théâtre de Nohant. Or, quand George Sand reste dans sa propre manière, ainsi qu’elle nous apparaît dans sa Correspondance, dans l’Histoire de ma vie, dans ses Préfaces, dans les meilleures pages de ses romans champêtres ou de quelques-uns de ses derniers romans mi-réalistes (comme dans les tout premiers aussi, par exemple dans Valentine), lorsqu’elle ne s’efforce pas de peindre des « ruines » obligatoires, des souterrains ou des châteaux romantiques, mais dessine d’après nature des tableaux de son cher Berry, simples et réels, d’un seul coup elle s’élève très haut. Ses peintures ont un charme d’une beauté inoubliable et restent