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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/648

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pas ?… » De grand cœur je le lui promis. Je cherchais Aurore et Gabrielle pour les embrasser avant de partir, personne ne put me dire où elles étaient. Je trouvai enfin les pauvres petites à la grille du château au milieu d’une foule de pauvres, distribuant des aumônes selon leur cœur et selon le touchant usage du pays…

Enfin citons la lettre que le pasteur Leblois avait écrite à M. de Vasson à propos de l’enterrement religieux de George Sand, qui causa tant d’étonnement à beaucoup de ses admirateurs.

Cher monsieur,

Votre bonne lettre que je reçois à l’instant même, est pour moi un véritable soulagement, dans un sens du moins, et je vous en remercie plus que je ne saurais dire. Lorsque Mme de Vasson a eu l’obligeance de m’annoncer la maladie subite de Mme George Sand, bien qu’elle n’ait point dissimulé les inquiétudes sérieuses qu’inspirait son état, j’ai gardé l’espoir du mieux et j’aurais considéré comme indiscret d’écrire et de donner des conseils dans l’hypothèse d’une mort prochaine. Aussi bien j’étais convaincu que la famille, pénétrée de ce qu’elle devait à la mémoire de son illustre chef, ne prendrait d’autres dispositions que celles que George Sand elle-même eût approuvées. Il ne m’appartient pas d’émettre ici un jugement sur ce qui s’est passé. Pour juger avec équité il faut connaître tous les éléments d’une cause. Mais la confidence que vous avez bien voulu me faire, m’enhardit à vous parler comme à un ami intelligent et impartial, auquel je porte la plus profonde estime.

D’après ma conviction, l’auteur qui a écrit Mademoiselle La Quintinie ne pouvait, ne devait pas être enterrée selon le rite catholique. Je comprends les considérations de famille, lorsqu’il s’agit d’individus obscurs qui n’appartiennent qu’à la famille. Devant le cercueil d’un personnage historique, des considérations d’un ordre supérieur doivent prévaloir. La famille alors, c’est le pays, bien plus, c’est l’humanité. On doit à l’humanité de ne rien faire qui la blesse ou qui la fasse douter. « J’aime ma patrie plus que ma famille, disait Fénelon, et l’humanité plus que ma patrie. » Mme Sand, née dans le catholicisme comme son père, avait compris que le catholicisme a cessé d’être une religion, une lumière, un principe de vie. Ce n’est plus qu’un système politique, un éteignoir. C’est encore une puissance, il est vrai, une puissance formidable, et voilà pourquoi la foule s’incline devant les symboles qui le représentent. Mais ce qui distingue les esprits élevés, c’est qu’à l’exemple de Guillaume Tell, ils passent debout devant le chapeau de Gessler. Mme Sand l’a fait et ce sera pour elle un titre de gloire impérissable.