Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/652

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térieux on me conduisit au foyer des acteurs. Nous traversons une galerie dont les murs sont ornés de portraits d’acteurs en d’énormes perruques Louis XIII et Louis XIV, puis en petites perruques à queue du temps de Louis XV et Louis XVI faisant suite, puis à toupets et à cravates extra-hautes de 1815, et d’actrices poudrées à frimas, à tailles de guêpe, aux corsages très franchement décolletés, ou bien aux coiffures soi-disant « romaines », et vêtues de blanches robes, ceintes de rubans sous les aisselles, Nous passons aussi devant des personnages costumés pour leurs rôles. En une rapide vision passent les traits si connus de Talma et de Mlle Mars, les bustes de Poquelin et de Racine, devenus si familiers grâce aux nombreuses gravures tant de fois vues dès notre enfance.

J’aurais beaucoup aimé m’arrêter et examiner tout cela. Non, impossible, le temps presse. Ah ! le voilà, ce foyer des artistes, si célèbre ! ce foyer que nous sommes habitués de ne voir qu’au théâtre ou au second acte d’Adrienne Lecouvreur ! C’est donc vraiment ici que se tenaient, causaient, attendaient leurs entrées ou même répétaient leurs rôles Talma et Mlle Clairon, Mlle Georges et Marie Dorval, Coquelin et Sarah Bernhardt ! J’ai beau me raidir contre le sentiment d’un involontaire respect, je dirais de vénération profonde. Je ne peux pas m’en aller… Non ! non ! le temps presse ! Tous les artistes sont déjà derrière le rideau. Encore des portes, des marches à descendre dans l’obscurité, j’ouvre une dernière porte et me voici dans la salle. Demi-obscurité. La rampe des loges et du balcon et les rangées de sièges en bas sont recouverts de toile bise ; il n’y a que quelques rangs de fauteuils, tout en avant, où les housses sont enlevées, et on y aperçoit confusément des chapeaux d’hommes et les taches claires des toilettes de femmes. Dans l’une des loges latérales se laissent voir des espèces d’énormes ballons ou de parachutes gris : ce sont les appareils d’un photographe qui va photographier des scènes et des groupes d’acteurs au magnésium.

On m’appelle du parterre. Je descends en hâte. Ma place se trouve juste derrière la nounou de l’aînée des petites-filles de