Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/665

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verve, en vrai maître, et son discours fut magnifique. « George Sand fut très grande » par son talent, par son esprit ; « elle fut très audacieuse « par ses aspirations et les problèmes qu’elle tâchait de résoudre ; « elle fut très bonne » dans sa vie et dans ses œuvres. « Et elle fut très insultée ! » dit Mme Séverine. « Oh ! la très grande, la très bonne, la très audacieuse et la très insultée ! » On l’a tant insultée de son vivant et après sa mort que ce monument ne paraît rien qu’une amende honorable : si on avait ramassé toutes les pierres qu’on lui jeta de son vivant, on aurait un haut piédestal tout prêt pour ce monument. À la fin de son discours Mme Séverine déposa, comme Mme Barretta, une grande gerbe de roses au pied de la statue.

Mais tout au commencement déjà, avant les discours, on avait apporté une énorme couronne de roses ornée de rubans aux couleurs de la Bohême : c’étaient les frères moraves qui l’envoyaient de Prague sur la tombe de l’inoubliable auteur de Consuelo et de Jean Ziska. Et vraiment ce témoignage muet de gratitude et de vénération, envoyé au grand écrivain par ses lointains et reconnaissants admirateurs slaves, qui appréciaient chaudement sa profonde pénétration dans l’esprit de leur histoire, sa sympathie pour leurs luttes religieuses et leurs aspirations sociales, sa manière de traiter leur plus grand héros national, m’émut plus que toutes les belles paroles et tous les discours brillants. Et je songeais que, pour George Sand, aussi, ayant toute sa vie rêvé la fraternité des peuples, cette simple expression de l’union entre l’écrivain et ses lecteurs, entre le génie français et les âmes slaves aurait été plus à son gré que tout le reste de la fête, comme toujours assez officielle.

Ce fut de même le soir, après la représentation de gala de Claudie, jouée devant un public élégant et brillant, émaillé de toutes sortes de célébrités et de « notoriétés », lorsque le rideau se leva une fois de plus et lorsque, vêtus de fracs, M. Sylvain lut le discours connu de Victor Hugo sur l’enterrement de Mme Sand, et Mounet-Sully le morceau non moins connu d’Alexandre Dumas fils, Palaiseau, Mme Segond-Weber, belle comme un marbre antique, déclama d’un contralto profond les