Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/675

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enguirlandée de petites lanternes confectionnées à la maison ; plus loin, on a simplement placé des lampes et des bougies sur toutes les fenêtres. Voici la préfecture inondée de lumières électriques, tandis que notre square est semé de centaines de petites lanternes de toutes les couleurs ; elles sont suspendues aux branches des arbres, elles se cachent dans les buissons, elles ornent les grilles et s’accrochent aux mâts pavoises ; quant à la grande place, on a tendu au-dessus comme une tente en lignes de feu, en lanternes de papier jaunes, rouges, vertes et bleues partant de tous les côtés et venant se réunir au centre.

Des guignols piaulent ; des sirènes poussent des sons stridents ; les gondoles russes volent dans les airs ; sur des théâtres ouverts des pierrots jouent des scènes quelconques ; partout on voit des baraques, des tentes dressées où l’on vend des pains d’épice et de la limonade ; un orchestre s’évertue à jouer un pot-pourri de Faust, un autre, à côté, cingle mesurément une bourrée, un troisième tonne la Marche de Tannhäuser ; on entend enfin arriver de pas bien loin les sons connus de la Marche des gas du Berry. Et la foule, cette foule si gaie et si sensible, comme ne le sont que les foules de race latine, flue et reflue comme un lac balancé par la tempête. On nous bouscule, et nous bousculons aussi. E est évident qu’au bout de cinq minutes nous nous perdons tous de vue dans la cohue, et voici que chacun flâne à sa guise, tantôt attiré par le guignol, tantôt par les gondoles, jusqu’au moment où les sons de la Marche du Berry et le pas cadencé de la foule qui s’éloigne dans une direction quelconque nous rassemble tous vers un seul et même point. Ce sont les gas du Berry qui s’en vont chez Descosses où les concours auront lieu. Nous courons après eux, nous nous écrasons encore une fois à la porte d’entrée, mais nous parvenons quand même à nous frayer un passage et nous entrons dans une grande salle basse. M. Descosses, épouvanté, s’attendant à voir démolir tout son « établissement », déclare qu’il ne laissera plus entrer personne et ordonne de fermer les portes. Ceux qui restent dehors n’ont rien d’autre à faire qu’à se presser aux fenêtres ouvertes.

Les musiciens qui se massent dans un coin de la salle, près