Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/676

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d’une table et dessus, jouent une espèce de ritournelle se terminant par une longue note filée. Les « cavaliers », vêtus pour la plupart de blouses et portant des foulards ou des rubans rouges autour du cou, s’approchent des « dames », les saluent, leur tendent la main, puis, à la note filée, les embrassent. C’est la bigeade traditionnelle. Certaines jeunes villageoises protestent, mais les vieilles, et il y en a pas mal qui sont venues pour prendre part aux danses, se déclarent pour le vieil usage ; les cavaliers aussi y tiennent ; on appelle le président, M. Augras, et il laisse infailliblement entendre que tels sont les vieux us, il n’y a qu’à s’y conformer. Puis, voici que les premières mesures de la bourrée, nettes et précises, se font entendre. La bourrée est bien certainement une aïeule de nos contredanses ; on la danse toujours à deux, soit à quatre paires, et on ne voit que des « en avant en quatre » et des « balancez » et des « changez vos dames » et des « premières figures ». Lorsque ce sont quatre paires qui dansent, les danseurs exécutent souvent une figure que nous voyons dans nos grandes mazurkas, appelée « à quatre coins » : les dames passent successivement, parcourant ainsi les quatre coins du carré, d’un cavalier à un autre, et après chaque passage les quatre paires changent de vis-à-vis. D’autre part, la manière de danser des femmes ressemble beaucoup à celle de nos jeunes paysannes : les pieds doivent glisser le plus imperceptiblement possible ; le corps reste immobile ; les bras pendants et serrés aux hanches sont aussi immobiles ; les physionomies sévères et sérieuses ; les yeux — surtout chez les jeunes — baissés. Quant aux hommes, ils tapent du talon, se dandinent, exécutent des pas et des soli de cavaliers, ressemblant aussi beaucoup aux soli de nos coqs de village ; mais le plus drôle c’est que tout le temps, du bout des doigts, ils relèvent fort gracieusement leurs longues blouses des deux côtés, tout comme autrefois les maîtres de danse faisaient relever leurs robes aux jeunes filles. Chaque bourrée dure longtemps ; on répète à satiété les mêmes figures. À la fin revient la ritournelle du commencement et avec elle la bigeade.

On remarqua dès le début parmi les danseuses deux petites vieilles qui glissaient et se tournaient avec une agilité et une grâce