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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/68

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pas sot : l’empereur Napoléon. Il a bien fait tout ce qu’il a pu… mais l’empereur Napoléon, en se mettant la grande couronne sur la tête, avait perdu la moitié de son esprit. À ce qu’il paraît que la couronne de roi dérange l’esprit de tous ceux qui la mettent, et que, quand im homme se trouve le maître de tous les autres, quand même ça serait l’homme le plus sage de toute la chrétienté, il faut qu’il perde sa raison et sa justice. Ça ne fait pas plaisir au bon Dieu de voir des millions d’hommes baptisés se soumettre à un homme, comme s’il était le bon Dieu lui-même. Cette coutume-là retire un peu des païens, qui ont commencé à servir leurs rois et à se mettre esclaves pour leur faire plaisir. On a continué la chose après avoir renvoyé les païens, sans faire attention que Notre-Seigneur Jésus-Christ avait dit aux hommes qu’ils étaient tous frères et qu’ils avaient devoir de ne plus être esclaves.

Blaise Bonnin raconte après cela comment Napoléon, ainsi que les Bourbons revenus en France qui lui ont succédé, tombèrent parce qu’ils avaient manqué à cette loi divine et qu’ils ne protégeaient que les nobles et le clergé, tandis que le peuple était opprimé ; comment Louis-Philippe, « caponné auprès des bourgeois pour faire accroire qu’il était brave homme », n’eut pas meilleur sort, parce que, « comme ce roi-là aimait grandement son profit… les bourgeois s’en sont dégoûtés aussi et ont laissé le peuple le mettre à la porte sans un sou vaillant… »

À présent, — dit Blaise Bonnin — il n’y a ni rois, ni empereurs, ni étrangers, ni nobles, ni prêtres, ni bourgeois, qui soient capables d’enlever au peuple la République… Les rois sont tous partis ou prêts à partir. Dans les pays étrangers, les autres rois et les autres empereurs ont bien du mal à rester maîtres chez eux, et ils n’osent pas se mettre en guerre avec nous, parce que leurs peuples veulent aussi la République, et qu’ils ont peur que leurs soldats ne refusent de marcher contre les Français…

Après cet aperçu historique, Blaise Bonnin se met en devoir d’instruire ses bons voisins sur le compte des bourgeois qui continuent à craindre le peuple et la République, sur ceux qui font mine de l’avoir acceptée et enfin sur ceux qui lui sont sincèrement dévoués ; quant aux gens du peuple, dit-il :

… Nous ne sommes pas si bêtes qu’on nous croit et, dans peu de temps, nous connaîtrons mieux que les bourgeois ce que c’est que la République…