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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/69

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Le peuple saura aussi ce qu’il a à attendre de la République. Qu’un peu de temps passe, il saura se rendre compte des affaires, mûrira un peu et choisira sagement ses élus, ceux de sa localité, comme ceux qui iront voter pour lui à l’Assemblée nationale ; dans peu d’années, lorsque le peuple saura lire, ce ne sera plus si difficile que ça, mais à présent, dit Blaise, « nous serions bien pris si, croyant envoyer à l’Assemblée des amis du peuple, nous envoyions des ennemis qui aideraient à faire des lois contre nous ».

… Or, cela arriverait infailliblement, si chaque commune ne choisissait que des gens de sa localité, diviserait ainsi les voix et n’agirait pas d’accord avec les autres communes, ou si elle se fiait à des bourgeois qui, par de vaines paroles, sauraient accaparer les voix à leur profit ou à celui de leurs amis et puis ne défendraient pas les intérêts du peuple. Je ne vois qu’un moyen pour empêcher ça, c’est que nous exigions d’abord qu’on donne à des gens comme nous, à des ouvriers des villes et à des gens de campagne une partie des voix…

L’ami Blaise trouve de toute justice que les bourgeois jouissent également de ce droit.

… Mais, conclut-il, nous examinerons la conduite de ceux qu’on nous proposera. Nous n’écouterons pas leurs belles paroles, et nous nous défierons surtout de ceux qui n’étaient pas de la République la semaine passée, et qui seront pour elle la semaine qui vient. Nous savons bien que la jappe ne leur manque pas et qu’il y en a qui font contre fortune bon cœur. Mais nous consulterons leur comportement dans le passé et nous saurons bien s’ils étaient durs pour nous ou s’ils assistaient dans nos peines, s’ils ont eu peur de nous au premier mot de République qui a sonné, ou s’ils ont confiance en nous ; nous verrons bien s’ils nous insultent en disant tout bas que nous ne sommes pas capables de nous gouverner, ou s’ils nous ont toujours eu en estime, en disant, de tout temps, qu’on devait nous donner la liberté et l’égalité.

Nous verrons tout cela, braves gens, et nous sommes assez fins pour nous méfier des cafards.

… Ce sera à nous de nous souvenir comment ces gens-là nous ont traités avant la Révolution. Ça ne sera pas si vieux, nous n’aurons pas eu le temps de l’oublier…

Le dernier paragraphe, comme on peut le voir, parle en toute clarté et même presque dans les mêmes termes que la lettre