Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

D’abord, au commencement d’avril des clubs féminins — et en particulier celui qui siégeait au boulevard Bonne-Nouvelle et publiait sous la direction de Mme Niboyet son propre journal : la Voix des femmes, avec le sous-titre[1] : Journal social et politique, organe des intérêts de toutes (sic), — décidèrent de prendre part aux élections (quoique les femmes n’eussent pas le droit d’élire), et proposèrent deux candidats : Ernest Legouvé, le Bayard du féminisme, et George Sand (quoiqu’elle n’eût pas le droit, comme femme, d’être élue). Vers la même époque, on put lire dans ce même journal de dames, dans un petit entrefilet, à propos de Pierre Leroux jugé par George Sand, que chaque parole de George Sand était considérée par ces dames comme « religieuse et sainte ». Puis, quelques jours plus tard, il parut dans la Voix des femmes un petit article, signé des initiales G. S. et qui exhortait pathétiquement la société à restituer la loi du divorce au nom de la morale publique, à l’appui de quoi l’article faisait allusion au récent assassinat de la duchesse de Praslin, tuée par son mari outragé. Le gros public crut que les initiales G. S. signifiaient George Sand.

C’est alors que cette dernière, généralement si indifférente à la calomnie qui la touchait personnellement, ne voulut ni souffrir qu’on abusât de son nom d’auteur, ni permettre qu’on importât de la mauvaise marchandise sous le couvert d’un beau pavillon. Et puis elle comprenait tout le ridicule de cette escarmouche féminine, brandissant sa candidature comme une bannière. On a retrouvé dans les papiers de George Sand une lettre inachevée adressée aux dames qui avaient proposé cette candidature. Elle s’y prononce d’une manière très sérieuse et très convaincue sur la question féminine ou plutôt sur l’inutilité de la participation des femmes à la lutte et aux droits politiques. Selon nous, même de nos jours il serait difficile de dire quelque chose de plus raisonnable et de plus sage. La lettre

  1. Il y avait alors plusieurs clubs féminins et plusieurs journaux rédigés par des dames, par exemple : la République des femmes, la Politique des femmes, l’Opinion des femmes, le Volcan, etc., etc. (Voir l’article de M. Monin et l’Histoire de 1848, par Daniel Stern.)