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ROMAIN D’ÉTRETAT.

à toutes les tristesses, à toutes les joies de ma vie ; ces joies et ces tristesses, aujourd’hui presque aussi présentes à mon âme les unes que les autres, parce qu’elles sont également contenues dans ma jeunesse qui s’est en allée. Elles refleurissent tous les ans avec les fleurs.

Au printemps, chaque année, alors que la nature,
Revêt tout de parfum, de joie et de verdure,
Quand tout aime et fleurit ;
Dans les fleurs des lilas et des ébéniers jaunes,
De mes doux souvenirs, cachés comme des faunes,
La troupe joue et rit.

Et ce ne sont pas les plus riches fleurs, les plus nouvellement conquises, celles qui viennent de plus loin qui me sont les plus précieuses ; au contraire, toutes celles que je ne connaissais pas dans mon enfance et dans ma première jeunesse n’excitent chez moi que l’admiration ; elles ne m’apportent que leurs couleurs, leurs parfums, et les chants d’oiseaux dont elles cachent les nids. Ainsi ces splendides glycines de la Chine, ces pivoines en arbre du Japon, ces magnolias qui portent de si beaux lis blancs, je les aime, je les admire ; mais ils ne m’apportent pas les émotions qui s’épanouissent tous les ans dans les co-