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ROMAIN D’ÉTRETAT.

fait un jour une couronne, qui nous fit ensemble songer à la couronne blanche des mariées.

Ô cher jardin, chères fleurs, qui me racontez tout cela tous les ans, qui me rapportez ma jeunesse verte et fleurie comme les pâquerettes ! mon cœur épanoui et joyeux comme les boutons d’or ! non, je ne vais pas vous quitter au printemps ; non, je ne perdrai pas ces sensations qui gonflent mon cœur comme le soleil de mai gonfle la terre féconde.

J’ai quarante ans. Si je vis très-vieux, je verrai encore ces fleurs et ces souvenirs s’épanouir une trentaine de fois. Je ne perdrai pas une de ces saisons. Qui sait surtout si, d’ici à quelques années, je ne vais pas me dessécher et me racornir comme tant d’autres, prendre ma jeunesse passée et sa sève robuste pour des erreurs, être fier de mon impuissance et honteux d’avoir été jeune, amoureux, généreux ?

Non, je n’irai pas à Londres.

Et mes canots, et mes filets, et les promenades paisibles, au coucher du soleil ou à la lueur de la lune sur la mer calme et immense, vais-je